Requiem dans un coin

Théâtre / Jusqu'au 12 février, la compagnie La Saillie reprend P'tit coin, l'une de ses premières créations, au Rio. Interview avec le metteur en scène et inteprète Pascal Mengelle sur cette reprise chargée de sens. Propos recueillis par François Cau


Quel est le pitch de P'tit coin ?Pascal Mengelle : Le pitch... On est parti de Samuel Beckett. P'tit coin n'est pas pour autant un texte de Beckett, mais plutôt un montage d'extraits. Le spectacle a néanmoins sa propre écriture, et celle de Beckett nous a beaucoup nourri dans l'univers, même visuel puisque c'est un univers noir et blanc, et il y a cette notion très présente d'emprisonnement, de solitude mentale, physique, l'esquisse d'une folie... C'est le point de départ. Il n'y a pas vraiment de narration, d'histoire rationnelle mais il y a un fil, quelque chose qui se construit et qui fait que le public se repère, même si c'est dans une forme expérimentale. Si le thème semble froid, c'est assez poétique de par les textes, le spectacle respire beaucoup, et il y a toujours un recul, une dérision, donc la pilule passe plutôt bien. Quels sentiments procurent ce retour aux sources ?Pour nous ce n'est pas du tout une régression mais un plaisir, notamment celui de retrouver Isabelle Oed sur scène. C'est un spectacle qui n'avait pas tourné, et les gens qui nous connaissent maintenant pourront être intéressé par ce passé. Ce spectacle n'inclue pas encore l'incorporation de l'image, de la vidéo, mais il y a la dimension très plastique qui est déjà très présente. L'actualité de La Saillie ne se cantonne pas à cette reprise, je travaille actuellement sur un projet pour novembre, L'insatiable K. Une adaptation du Procès de Kafka, je bosse dessus depuis un an, j'y crois beaucoup et c'est un énorme travail de relation à l'image, aux sons, à la manipulation.Comment s'est décidée la reprise de P'tit coin ?Outre le plaisir de retrouver l'équipe, c'est un petit peu comme un acte de militantisme, de résistance en toute modestie, on sait bien qu'on ne pèse pas très lourd dans la balance ; c'est en quelque sorte donner un dernier sursaut de vie à ce théâtre, puisque c'est bientôt sa fin. Je voulais signifier qu'on a besoin d'outils comme ça ; j'ai proposé à une autre compagnie d'assurer une deuxième partie (ils ne seront là que sur la deuxième semaine). C'est une pièce qui rentre en résonance avec P'tit Coin, c'est également un couple étrange qui ne se rencontre pas, qui se tourne autour, et leur spectacle est aussi proche de ce thème ; dans l'esthétique et dans le rendu c'est très différent mais ils se complètent. La raison de leur présence c'est la solidarité pour les soutenir, de faire partager un certain esprit dans le milieu qui a toujours été important. Il y a enfin une initiative d'Isabelle, qui a contacté toutes les compagnies qui sont passées ici pendant trente ans pour récupérer les affiches de leurs spectacles. Le premier projet était de coller ces affiches sur toute la façade, mais bien évidemment ça pose des problèmes, la ville n'était pas d'accord. On a finalement opté pour une vidéo-projection à partir de ce matériau de chez les voisins d'en face. Cette solution nous plaît bien, une trace éphémère sur le bâtiment, comme des fantômes qui reviennent signifier la vie qu'il y a eu à l'intérieur du bâtiment...P'tit Coin par la compagnie La Saillieau Théâtre Le Riodu 3 au 12 février à 20h30


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