Intra muros

En septembre dernier, MC2 ouvrait ses portes. Objectif : effacer des mémoires les appellations "Cargo" et "Hors-les-Murs" d'un violent contrepoids qualitatif. Entretien bilan avec son directeur, Michel Orier.


Comment se déroule l'occupation des lieux jusqu'à présent ?
Michel Orier: Les salles sont toutes très opérantes, à la fois techniquement, et dans le rapport au public. On a un rapport scène-salle qui est vraiment formidable, ça nous est renvoyé et par le public et par les artistes. Ce qui est bien, car on aurait pu se planter là-dessus. La taille globale de l'ensemble ne laisse pas présager au premier abord qu'on a un rapport d'intimité à l'intérieur, ce qui est le cas dans toutes les salles. On n'est jamais dans des jauges surdimensionnés, il y a des salles de 1000 places mais celles de 400 fonctionnent, on est vraiment très chanceux de ce côté-là. Il y a évidemment une nouveauté très remarquée qui est l'Auditorium, où on a déjà fait deux enregistrements pour des maisons de disques. Il y a eu une rumeur énorme dès l'ouverture sur sa qualité acoustique, le fait qu'on ait choisi certains interprètes de dimension internationale, ça va très très vite. Après on est en train de pinailler un peu sur la saison prochaine pour libérer du temps dans la salle de création, qu'il y ait plus de possibilités pour les musiques actuelles. On a pu faire Bashung en ouverture mais jusqu'au 15 mai, la salle est prise pour des répétitions de théâtre, de danse, pour des choses formidables d'ailleurs, mais du coup c'est un long tunnel où on ne peut pas imposer d'autres choses...

Et les espaces de répétition ?
Les studios tournent à plein, tout le temps. Garder des salles vides n'aurait pas de sens. Il faut prendre en compte maintenant que sur Grenoble, pour la danse par exemple, entre le Pacifique, Citédanse et nous, c'est impossible de travailler dans de bonnes conditions. Les compagnies qui ont besoin de travailler peuvent le faire aujourd'hui à Grenoble. Voyez-vous une ombre au tableau ? Des tas de choses... Je crois qu'on est très bons sur l'essentiel mais du coup pas assez présents sur l'accompagnement. Je souhaiterais qu'on ait un peu plus de place pour la pensée autour de ce qu'on fait, on est trop dans le faire et pas assez dans le concept ou dans la réception. Mais on est une équipe de 39, on ne peut pas être partout... Il y a aussi le travail qu'on effectue dans le département, avec une personne en permanence qui s'occupe de deux-trois tournées par an, c'est important parce qu'on a beaucoup de gens qui viennent du département à la Maison, ce n'est pas un public essentiellement grenoblois.

La polémique pécuniaire revient régulièrement sur le tapis...
Tout le débat sur le poids financier sur Grenoble est insensé, il relève du café du commerce à un endroit. Très peu de monde s'intéresse réellement à l'information réelle. On doit être le 6ème ou le 7ème sur la liste des subventionnés culturels en ville, la Maison pèse pour 1 million et demie d'euros par an de financement, ce qui n'a rien à voir avec sa taille réelle. La Ville de Grenoble prend en charge la moitié du financement des collectivités territoriales, l'état prenant presque entièrement l'autre moitié. Il y a 44% des subventions assumées par l'état et 56% par les collectivités. Et dans ces collectivités la ville ne pèse que pour la moitié, le Conseil Général pèse pour l'autre moitié, on coûte un tout petit peu plus cher que le Théâtre municipal, pour un service radicalement différent, faut donc repositionner ça à sa place. Et on pèse tout de même pour 150 fiches de paies par mois. C'est marrant, c'est un débat qu'on n'imagine pas sur des bibliothèques, sur le Musée ou sur des choses comme ça, sur le spectacle ça prend tout de suite des proportions insensées, même pas reliées à une soif de connaissance du secteur, c'est usant. Mais les institutions génèrent toujours de la frustration. En ville ça n'a pas créé le malheur à côté, les autres salles fonctionnent. On est arrivés dans une période de crise très aiguë dont on ne sortira sûrement pas indemne. Mais donc on a d'autant plus besoin de ce genre de maison, on peut instiller une vraie puissance de création d'emplois pérennes, sortir du "je joue un spectacle pour trois représentations avec 127 payants" ; on sert à ça et pas à autre chose.

Y-a-t'il une réelle appropriation de la Maison par le public ?
Oui, je crois. Une chose est emblématique : la vitesse avec laquelle les gens se sont appropriés le nom MC2. Au début c'était pas gagné, mais je suis frappé de la vitesse à laquelle ça a été. Et ensuite on a un indice de satisfaction très fort de partout, les gens sont contents de leur Maison. Mais on est au tout début, il nous faut continuer cette bataille de la diversification du public.


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