Geek poétique

CIRQUE CONTEMPORAIN. Après Muriel Vernet, c'est Adrien Mondot qui devient le nouvel artiste en résidence au Théâtre Hexagone. Rencontre avec un artiste atypique qui part cette semaine à la rencontre du public grenoblois. Propos recueillis par Aurélien Martinez


Petit Bulletin : À la base, vous n'étiez pas artiste mais informaticien…
Adrien Mondot: L'informatique n'est pas une matière très épanouissante. Être enfermé dans un bureau de huit heures du matin à huit heures du soir, je sentais que j'avais pris un train pour la vie qui n'était pas le bon. J'ai donc sauté en route ! En parallèle, je faisais beaucoup de jonglage, je passais pas mal de temps à m'entraîner dans les parcs publics, puis à parcourir les festivals d'été. Et au fur et à mesure, c'est devenu de plus en plus difficile de retourner au travail le lundi matin ; jusqu'au moment où je me suis dit qu'il fallait faire un choix. J'ai senti, au cours de mes diverses pérégrinations festivalières, que c'était possible de vivre de ses rêves.

Et vous avez fondé la compagnie Adrien M…
En 2004, il y avait un concours organisé par le ministère de la culture qui s'appelait Jeunes talents cirque. Il fallait être un minimum structuré pour participer au concours. Je n'y croyais pas trop mais certains enchaînements de circonstances sont heureux et ça a bien marché ! Le concours a ainsi permis que la compagnie fonctionne assez vite – en 2005, on tournait déjà un peu partout dans le monde avec Convergence 1.0.

Vous êtes ainsi passé d'un univers assez rationnel – l'informatique – à quelque chose de plus sensitif, moins normé…
Oui, même s'il y a beaucoup de points communs entre le milieu de la recherche en informatique et celui de la recherche artistique. Sur le plateau, je garde ainsi mon côté très rationnel pour explorer des mondes qui sont en effet plus sensitifs…

Grâce à l'utilisation des arts numériques, d'une façon assez pertinente et novatrice…
Ah oui, j'espère qu'on n'est pas habitué à voir ça ! Je pense que ce sont des outils assez fabuleux pour convoquer de nouveaux imaginaires. On peut déployer des idées, des envies, des sentiments qu'on ne pourrait pas amener autrement ; ce qui représente une mutation intéressante pour les arts de la scène. J'ai envie que les gens se questionnent sur ce qu'ils voient, et les arts numériques permettent cette mise en abyme essentielle selon moi.

Pourquoi avoir choisi de vous associer avec l'Hexagone ?
Par les temps qui courent, c'est évidemment une situation plus confortable que de ne pas avoir de lieu de travail ! Après, avec l'Hexagone, on s'est choisis mutuellement, il y a une réelle connivence : ce qu'ils essaient de mettre en chantier, comme avec les Rencontres-I et l'atelier art-science, me correspond pleinement ; on cherche dans la même direction. Vous présentez cette semaine trois labos.

C'est-à-dire ?
Concrètement, le public verra de la matière brute de spectacle, des expérimentations, des concepts… Ce n'est connecté à rien dans la future création de la compagnie, prévue pour janvier 2010, si ce n'est qu'on partage la thématique. L'idée est de construire une semaine d'explorations tous azimuts. J'invite des artistes qui ne sont pas forcément dans le même champ que moi – une danseuse, un graphiste et un musicien –, et ensemble, on va essayer d'expérimenter autour de la thématique de la chute. La chute ? Bizarre pour un jongleur !
Ce n'est pas bizarre mais essentiel dans la construction du jonglage, ou avant la chute était considérée comme mortelle, il ne fallait surtout pas que ça arrive. J'ai essayé de prendre les choses à rebours en me disant que la chute pouvait aussi être le début d'une matière.

ADRIEN M / LABOS
Mardi 10 et jeudi 12 à 19h30, à la Salle Noire, samedi 14 mars à 19h à l'Hexagone (Meylan)


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