Aller de Lavant


Si la scène a bel et bien été, ces dernières années, le lieu de prédilection de Denis Lavant, c'est avant tout le cinéma qui a révélé au public ce drôle de corps, athlétique et fougueux, et ce visage qui fût un temps lisse comme celui d'un adolescent lunaire, puis patiné par on ne sait quelles épreuves. Le cinéma et surtout un cinéaste : Leos Carax, qui vit en lui un parfait alter ego, tel Léaud pour Truffaut, et avec qui il construisit la première partie de son œuvre, celle d'avant l'éclipse.

Boy meets girl, d'abord, qui sera projeté dimanche au Méliès : un jeune homme à la dérive dans un Paris qu'il a cartographié selon ses histoires amoureuses, rencontre lors d'une soirée mondaine une femme elle aussi un peu paumée, et c'est le coup de foudre. En noir et blanc, Carax filme un Lavant bredouillant, se perd en surimpression dans son regard immense et sombre, ou le laisse s'échapper dans des courses folles. Parfait prolongement des cuts et dissonances que le cinéaste aime créer à l'image et au son, Lavant est un corps taillé pour son cinéma, un acteur fait pour les raccords brutaux mais aussi pour les travellings fous.

Dans le film suivant, Mauvais sang, c'est ainsi que Carax l'immortalise, en un long travelling latéral où il se lance dans une course pleine de chaos au son d'une chanson de Bowie. Puis vient Les Amants du Pont-Neuf : clochard cracheur de feu, alcoolique et romantique, Lavant semble sans arrêt en pleine combustion intérieure, brûlant une énergie démesurée jusqu'à épuisement total.

Épuiser les possibles du cinéma : c'est leur projet commun dans le récent Holy Motors, où Lavant endosse les rôles d'un acteur qui joue sans public et sans caméra, pour la « beauté du geste ». C'est ainsi qu'il apparaît aussi dans ce Printemps du livre : lecteur, acteur et auteur, comme en représentation perpétuelle, entre le masque et la plume.

Christophe Chabert

Rencontre avec Denis Lavant autour de son ouvrage Passant par la Russie
dimanche 14 avril à 16h au Petit Angle.

Projection de Boy meets girl
dimanche 14 à 20h au Méliès


<< article précédent
L’odyssée de l’espèce