Pour un sacre avec toi

Présentation de la création (dont la première mondiale a lieu à Grenoble), et retour critique sur la première représentation. Laetitia Giry


Danse / Dix jours avant la première, la nouvelle création d'Akram Khan éblouit déjà. Si iTMOi (in the mind of Igor) accuse quelques longueurs et hésitations – c'est bien normal à ce stade de la production… –, ses contours sont bien dessinés, et le Sacre du printemps décapé par l'audacieux chorégraphe.

De cette partition de Stravinsky (centenaire oblige), Akram Khan offre une lecture apaisée et maniérée. S'emparant de ce monument après Pina Bausch, Maurice Béjart, Angelin Preljocaj ou encore Jean-Claude Gallotta, il choisit quant à lui une sorte de contrepied en s'éloignant de sa matière première. Ainsi oublie-t-il la bande son originale pour n'en reprendre que des thèmes de loin en loin, restructurant l'ensemble de la pièce, dont la rudesse originelle se mue alors en inquiétude moderne plus sourde, moins stridente. Au sein de cette bulle sonore captivante, le rite du Sacre acquiert une dimension mythique, la rapidité des mouvements impressionne sans violence, la douceur s'immisce dans le tragique avec tact et l'esthétisme se déploie sans outrance.

On peut chercher et trouver des symboles, mais le tout s'impose d'abord comme un pur plaisir de musique, de corps et de danse. Entre panache contenu, costumes malicieux et gestes sûrs dans un décor épuré : le spectacle ici, c'est l'universel corps mouvant.

iTMOi (in the mind of Igor)
jusqu'au 18 mai à la MC2

Retour sur la première représentation

Si, mardi 14 mai, la première fut un succès public incontestable (une salle attentive pendant le spectacle, puis généreuse au moment des applaudissements), on déplore quant à nous les mêmes longueurs que pendant les répétitions. Entre fulgurances et moments qui s'étirent, notre cœur balance et se rabougrit – chaque tableau, chaque scène s'offre avec une élégance visuelle propre aux créateurs esthètes, chaque danse avec la fougue revigorante à laquelle Akram Khan a habitué son public, mais le tout fane rapidement dans sa propre fin qui n'en finit pas.

Cela dit, même s'il n'atteint pas le niveau de précision de Vertical road, ni le niveau d'intensité de Gnosis (précédentes créations du chorégraphe), iTMOi (in the mind of Igor) reste un spectacle à découvrir… Pour le mélange de différentes traditions (somptueux costume rappelant les crinolines occidentales du XVIIIe siècle, porté par une danseuse adoptant des postures figées évoquant plutôt la suspension des danses balinaises), pour l'audace de la bande-son (créée par des maîtres dans l'art des musiques de films), pour la virtuosité des danseurs (tous plus beaux et impétueux les uns que les autres).

Bref, qui aime bien châtie bien… Et l'on aime trop le travail d'Akram Khan pour ne pas apporter quelques bémols à un spectacle qui pourrait être plus abouti.


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