À boire et à manger

Festival d'Avignon/ "Ta vie sera plus moche que la mienne" (Didier Super)


Avignon est un festival à deux vitesses. Voire plus. Il y a d'un côté le In et ses spectacles proposés dans des lieux souvent magiques (des cloîtres, des chapelles, ...) par des artistes triés sur le volet par les deux directeurs (dont, au passage, c'est la dernière édition, Olivier Py prenant ensuite le relais). Et de l'autre côté, il y a le Off. Ou plutôt les Off. Une véritable usine, où l'on trouve de tout, du spectacle haut de gamme dans un établissement réputé (la Manufacture, le Théâtre des Doms, le Chêne noir, ...) à la toute petite forme dans un lieu minuscule (souvent pas des théâtres à l'année), en passant par des espaces à l'air libre pour divers chapiteaux, des salles climatisées spécialisées dans l'humour plus ou moins lourd... Avec des conditions de diffusion qui vont de la programmation classique (« on aime votre spectacle, venez le jouer chez nous ») à d'autres considérations plus vénales (« si vous payez tant, on vous accueille avec plaisir »). Et une vingtaine de jours à Avignon peut vite faire exploser un budget annuel.

« Avignon, le seul festival qui peut se vanter de ruiner la moitié des compagnies. » L'humour cinglant de Didier Super, qui présente son spectacle Ta vie sera plus moche que la mienne au Théâtre des Corps Saints, fait mouche dans ce contexte. Car le trublion tout sauf politiquement correct dépasse visiblement chaque jour les limites du temps que les organisateurs lui ont alloué (1h10 + 20 minutes pour démonter le décor et installer celui du prochain spectacle). Le soir où nous avons assisté à une représentation, Didier Super fut donc contraint de raccourcir son final pour permettre à l'équipe du théâtre de débarrasser son joyeux bordel, livrant alors ses réflexions acerbes sur ce « festival de droite » en avant-scène, pendant le grand ménage. Pour enfin emmener le public dehors afin de lui livrer un rappel en bonne et due forme.

« Avignon, on sait comment c'est, mais on y vient quand même jouer ! » 1258 spectacles sont programmés cet été au Off, tous les jours ou presque (quand on joue dans le Off, si on a un jour de relâche pendant le mois, on est content). C'est énorme. C'est réjouissant comme démoralisant – ça dépend de comment on place le curseur, si on fait fi par exemple des conditions déplorables que proposent certains théâtres. Alors découvrir un spectacle aussi barré que celui de Didier Super dans ce cadre-là, même si ça a un côté grand enfant qui crache dans la soupe, est assez savoureux.

Ah oui, au fait : ce Ta vie sera plus moche que la mienne est un ovni théâtral chanté fidèle à l'univers de Didier Super. À savoir trash, drôle, de mauvais goût, inégal, acide... Mais on en reparlera sans doute dans un peu moins d'un an, certains programmateurs de la région semblant décidés à ramener Didier Super dans leur valise.

En attendant, on repart à corps perdu dans ce Off qui nous permet tout de même de voir une quarantaine de spectacles en amont de leur passage en Rhône-Alpes. Et rien que pour ça, on dit merci au Off !


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Gloire au spectacle vivant !