Club 2.0

Mercredi 21 août 2013 : après un mois et demi de travaux, le cinéma le Club rouvre ses portes. Avec, à la clé, un espace plus spacieux, plus accessible, mais toujours présenté comme « une salle de quartier » par Patrick Ortéga, son directeur. Visite et rencontre. Propos recueillis par Aurélien Martinez


C'est jaune : voilà la première impression que l'on a en pénétrant dans le nouveau Club, cinéma grenoblois historique situé rue du Phalanstère. Il faut dire que la déco qui habillera les murs (avec des affiches par exemple) ne sera finalisée que début septembre. Mais sinon, tout est prêt pour la réouverture des lieux ce mercredi 21 août : le hall plus grand duquel les marches ont disparu, un escalier spacieux pour accéder aux salles du premier étage (avec en prime une vue dégagée sur la rue grâce à une grande fenêtre), des nouveaux sièges dans la salle principale... Et dans chacune des trois salles du rez-de-chaussée, des places pour les personnes en fauteuil roulant.

Patrick Ortéga : « Avec mes deux associés Pierre de Gardebosc et Martin Bidou, quand on a racheté le cinéma au groupe Pathé en mars 2012, on avait pour projet de passer au numérique – une transition incontournable –, et d'offrir un renouveau à ce cinéma qui était dans son jus depuis plus de quarante ans, en modifiant les aménagements. Le challenge était ainsi d'aller vers une accessibilité pour tous les spectateurs, ce qui nous a permis de reconsidérer l'ensemble de la qualité d'accueil du cinéma. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur les personnes à mobilité réduite. Il est important qu'elles puissent être accueillies, mais il est important que chacun trouve son compte dans cette mutation. Et je pense que le nouveau Club est une réussite, avec un beau travail d'architecte et aussi une réflexion avec certains élus de la ville sur l'accessibilité. » Résultat : trois salles sur cinq accessibles à tous – les deux salles de l'étage ne pouvant l'être.

« 500 000 euros environ »

Des changements que Patrick Ortéga ne veut donc pas réduire à une simple question de normes, la démarche étant plus large. « Maintenant, on se retrouve avec un vrai hall de cinéma, et une accessibilité aisée y compris pour ceux qui marchent sur leurs deux jambes mais qui n'ont pas forcément envie d'un parcours du combattant pour accéder à des salles conçues à une époque où l'accessibilité pour tous n'était pas prise en compte. Par exemple, les hauteurs de marche pour se rendre au premier étage n'étaient pas les mêmes, avec une à 15 cm, une autre à 18, une autre à 16... Pour la plupart des gens ce n'était pas grave, on ne s'en apercevait pas forcément, mais pour une personne qui avait du mal à lever le pied, ça devenait problématique. »

Des travaux importants qui ont duré un mois et demi. « Quand on a racheté le cinéma, on a tenu compte de ces investissements à venir. Les coûts des travaux d'aménagement sont de 500 000 euros environ, et le coût du passage au numérique était de 400 000 euros. Sachant qu'il y a des systèmes de financement du numérique avec une participation des distributeurs... Pour l'aménagement, on a évidemment financé une partie en fonds propres comme on est une entreprise privée, puis le CNC [Centre national du cinéma et de l'image animée – ndlr] nous a aidés sous forme d'avance sur les taxes que l'on paye sur les places de cinéma. » Et des travaux surtout nécessaires compte tenu du nouveau paysage qui se dessine à Grenoble niveau cinéma art et essai avec l'ouverture du Méliès, ou encore le positionnement récent du Pathé Chavant sur ce secteur.

« Une salle de quartier »

Sur le Méliès, concurrent direct du Club maintenant (alors qu'auparavant, la programmation du premier était plus confidentielle), Patrick Ortéga joue la carte de la différenciation. « Il est indéniable que si l'on parle du projet Méliès, ce n'est ni plus ni moins qu'un complexe art et essai. C'est comme un multiplexe : on part d'une page blanche et on construit un cinéma avec beaucoup moins de contraintes qu'une salle existante. Alors que le Club est pour moi une salle de quartier, dans le bon sens du terme. C'est une salle qui anime un quartier, qui correspond à une attente de spectateur différente de celle des salles comme des multiplexes ou des complexes art et essai qui ont une capacité d'accueil très importante. »

Ok. Mais Patrick Ortéga reconnaît tout de même la nouvelle situation concurrentielle à laquelle il doit faire face – l'ambiance est même on ne peut plus tendue entre les équipes. « Forcément, la programmation du Méliès est frontale avec la nôtre : on se positionne exactement sur les mêmes films. Il y a donc un recours au médiateur du cinéma pour obtenir certains films. Et il ne faut pas oublier la Nef, qui programme aussi certains films qui nous intéressent... Dans tout ce changement du paysage cinématographique, la réflexion sur notre lieu a été de dire : on est un cinéma de quartier, on a des salles mais on ne peut pas pousser les murs. Pourtant, le Club a toujours eu une âme, et l'on travaille là-dessus. C'est-à-dire que quand on vient au Club, il y a un petit supplément d'âme en quelque sorte, ce petit truc en plus qu'il faut absolument que l'on conserve et que l'on développe. L'idée est que quand un spectateur arrive maintenant au Club, il se dise "waouh c'est un nouveau cinéma ", et puis dès que la lumière s'éteint et la projection commence, il se dise qu'il est bien au Club. L'émotion est la base essentielle de ce que l'on a envie de partager avec le public. »


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