De La Iglesia : l'Espagne à feu et à sang


Le festival de cinéma latino Ojo Loco se poursuit cette semaine, et trouvera un de ses points d'orgue au cours d'une nuit à la Cinémathèque consacrée au génial Álex De La Iglesia. C'est l'autre grand cinéaste espagnol contemporain avec Pedro Almodovar – qui fut le producteur de ses premiers films – mais aussi son pendant geek et mal peigné, un auteur à fleur de peau qui ne cesse de renvoyer son pays à ses vieux démons.

Sa première œuvre, Action mutante, est une pochade gore et rigolarde où un commando composé de handicapés physiques et mentaux viennent terroriser des bourgeois réfugiés dans une station spatiale : on y trouve, en version brute de décoffrage, toute la virulence politique que l'on reverra ensuite dans la plupart de ses films ultérieurs.

De La Iglesia attaque le consumérisme effréné et le culte de l'argent comme dans Le Crime farpait (photo), où une grande surface façon Galeries Lafayette madrilènes s'apparente aux cercles de l'enfer dans La Divine comédie et où un vendeur de génie car sans scrupule (sa devise : « ce que je veux, je le prends ») va plonger dans le cauchemar, c'est-à-dire la vie "normale".

Ce que vise le cinéaste, ce sont aussi les racines pourries du "miracle" économique espagnol – qui n'en est plus un : le franquisme et le délire mégalomane du Caudillo. Dans Balada Triste, son chef-d'œuvre, la rivalité amoureuse entre deux clowns en pleine dictature se transforme en pamphlet métaphorique contre le divertissement, conçu comme une distraction des masses, aliénation ultime d'un peuple pris entre aveuglement et consentement docile.

Christophe Chabert

Nuit Alex De La Iglesia
Vendredi 28 mars à 20h, à la Cinémathèque


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