"Pourvu qu'il nous arrive quelque chose" : Grégory Faive, pour le meilleur et pour le rire


La loge du comédien (« un endroit qui en raconte beaucoup sur ceux que vous voyez sur scène »), le trac avant de rentrer en scène (« le trac, c'est "Pourvu qu'il nous arrive quelque chose..." comme disent les marins lorsqu'ils montent sur leur bateau avant de prendre la mer »), le trou de mémoire (« sensation de chuter, d'être aspiré, le trou noir »)... Mais aussi le métier de comédien (« la plupart des gens vont travailler, les comédiens vont jouer »), le public (« je suis persuadé qu'il y a des gens qui ne toussent qu'au théâtre ») ou encore le rôle des critiques (« une bonne critique fait plaisir, une mauvaise énerve, mais souvent la réciproque est vraie »)...

Dans son Petit lexique amoureux du théâtre, le comédien Philippe Torreton ausculte son art avec finesse et surtout recul, très loin des discours verbeux autocentrés. Une véritable déclaration d'amour au théâtre, à ses codes, ses figures, sa magie, que le comédien et metteur en scène grenoblois Grégory Faive transmet magistralement, en se mettant au service du texte – la scénographie est rudimentaire.

Tenant en haleine le spectateur 1h20 durant, il porte la verve de Torreton avec énergie, en renforçant même par moments sa dynamique comique – Grégory Faive est un excellent comédien, comme l'on a pu s'en rendre compte chez Laurent Pelly, Pascale Henry, ou plus récemment Marie Brillant. Et les quelques extraits d'autres œuvres qu'il a glissés ici et là sont plus que de simples illustrations, complétant de façon originale les mots de Torreton. À la manière de cet excellent sketch de Muriel Robin sur la solitude qui arrive à un point précis du récit.

Nourri à divers carburants, ce Pourvu qu'il nous arrive quelque chose devient alors un spectacle qui a la force de s'adresser aussi bien aux passionnés de théâtre qu'à ceux qui pensent que tout ceci n'est pas pour eux, car trop intello/rébarbatif/mettez-le-cliché-de-votre-choix. C'est l'une des grandes réussites, visiblement inattendue (voir interview), du travail de Grégory Faive : avoir su s'adresser à tous en n'abaissant pas le seuil d'exigence. Ce genre d'approche, commune à des artistes comme Vincent Dedienne (et son spectacle S'il se passe quelque chose, où Muriel Robin est là aussi convoquée) ou, d'une certaine façon, Guillaume Gallienne (plus au théâtre, moins au cinéma), fait un bien fou. Merci à vous.

Pourvu qu'il nous arrive quelque chose, jusqu'au samedi 24 mai à la MC2


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