Jarmusch : un train, des fleurs et quelques clopes…


Après que son très beau Only lovers left alive s'est taillé un succès au long cours dans les salles, la Cinémathèque revient en quatre films sur la carrière de Jim Jarmusch. Choix judicieux : chacun résume assez fidèlement les voies explorées par le cinéaste, qui se rétractent toutes en un geste d'errance immobile, de langueur cool et de réinvention des icônes américaines.

Dans Mystery train, trois histoires se déroulent en parallèle à Memphis, avec en guise de point de jonction un hôtel miteux et un coup de feu entendu au petit matin. On y croise le fantôme d'Elvis et un Joe Strummer bien vivant, un couple de Japonais en pèlerinage dans cette Mecque musicale et une Italienne en transit affectif et géographique.

Le « train » du titre, c'est autant celui qui transporte les deux amoureux nippons que le hit de Presley ; correspondance immédiate avec l'ouverture de Dead man (photo), sublime variation autour du western, où les guitares plaintives de Neil Young accompagnent les roues d'un train qui emmène William Blake (Johnny Depp) vers son destin, un Ouest en noir et blanc, sale et peuplé de spectres, dans lequel il s'enfonce, à la lisière de la vie et de la mort. Le spleen jarmuschien devient trip chamanique et la mise en scène se fait planante et narcotique ; peut-être son chef-d'œuvre.

Spleen encore pour le personnage de Bill Murray dans Broken Flowers, séducteur nonchalant et apathique qui part à la rencontre de ses anciennes maîtresses pour découvrir laquelle lui a donné un fils désormais âgé de 19 ans, comme un road movie proustien et mélancolique.

L'inverse finalement de l'anthologie Coffee and cigarettes, où Jarmusch effectue un voyage immobile en ne filmant que des conversations dans des cafés, provoquant des rencontres incongrues (Iggy Pop et Tom Waits ou le Wu-Tang et Bill Murray – encore lui…) et des discussions en apparence futiles mais riches de mythologies rock'n'roll – le café clope comme ultime porte vers une contre culture dont le cinéaste est plus que jamais le dernier des Mohicans.

Christophe Chabert

Cycle Jim Jarmusch
Les jeudi 15, vendredi 16, jeudi 22 et vendredi 23 mai, à la Cinémathèque


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