Avare des temps modernes avec Lagarde et Poitrenaux

Sous la perruque blanche ou le cheveu coloré, de tout temps l'homme a voué un culte destructeur à l'argent. En transposant "L'Avare" de Molière dans notre époque, Ludovic Lagarde révèle l'universalité de la cupidité humaine et la vision moderne de l'auteur, à l'aube du capitalisme. Charline Corubolo


De l'interprétation au décor, tout est contemporain dans cette nouvelle adaptation de L'Avare (1668) écrit par Molière – adaptation que l'on attendait avec impatience. Pour autant, le metteur en scène Ludovic Lagarde n'en perd pas la juteuse prose d'origine pour livrer une pièce entre XVIIe siècle et XXIe siècle tout à fait cohérente.

Alors que les perruques blanches et les costumes sont remplacés par des jeans, les comédiens donnent corps au texte de l'auteur avec véhémence. Une troupe qui se croise et s'entrechoque dans l'entrepôt de la maison bourgeoise remplie de containers ; maison qui se vide peu à peu quand la paranoïa d'Harpagon ne fait que grandir concernant le vol de sa cassette. Interprété par un Laurent Poitrenaux exalté, cet avare-là devient la métaphore d'un capitalisme grandissant, image d'un petit chef d'entreprise despote.

À ses côtés, les autres personnages tentent de tirer leur épingle du jeu malgré la tyrannie instaurée par cet Harpagon sans scrupule, n'hésitant pas à échanger sa prétendante contre de l'argent. Une cupidité vile qui le conduira à se dissoudre dans l'or de sa cassette à la fin de la pièce, dévoilant un Molière ironiquement visionnaire. Une mise en scène efficace néanmoins non sans longueurs  – le spectacle de 2h40 gagnerait en efficacité si certains passages étaient plus condensés.

L'Avare, jusqu'au samedi 21 novembre, à la MC2


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