PB d'or 2017 : cinéma

Où l'on a profité de ce bilan de fin d'année pour dégager une tendance.


Le PB d'or de la contre-tendance de l'année : les films à forme baroque

Et si le temps des films à dominante beige avait vécu ? Et si le public éprouvait un sentiment de surdose face à ces productions froides et intérieures, se complaisant (parfois avec talent) dans la "grègitude" des choses, le bon cafard des familles, la déliquescence sordide des corps et/ou de l'esprit ? Et si le César décerné au Elle de Paul Verhoeven équivalait à un chant du cygne ? Le rejet public et critique du Happy End de Michael Haneke, figure de proue du genre, n'a rien d'anodin.

Pour contrer les films miroirs, beaux objets trop lisses, trop plats, trop froids, les spectateurs réclament de l'accident, de l'éclat. Bref, que le miroir se brise et diffracte un peu, au lieu de se borner à refléter dans les limites du cadre. Voilà pourquoi on saluera avec ce PB d'or les films sortis en salles cette année qui adoptent une forme "baroque", une démarche déjetée (quitte à les rendre boiteux),  une morphologie hybride – au risque de les faire paraître monstrueux. Ils ont au moins l'audace d'emprunter une voie, et de cultiver leur singularité. 

Hommage soit rendu à la folie échevelée, à l'enthousiasme de troupe, à l'élégance absurde et généreuse du road movie pédestre le plus cinématographique théâtral de l'année : Ouvert la nuit de et avec Édouard Baer, beau comme un lever de soleil après une nuit blème.

Louanges à Hélène Cattet et Bruno Forzani pour leur kaléidoscopique Laissez bronzer les cadavres ! (photo), polar jubilant à faire des images et à les sublimer par le montage ; opéra de sang et d'or ayant le bon goût d'unir les marges dans une extase de violence picturale.

Gloire, enfin, à ce grand tourmenté que Darren Aronofsky qui a su synthétiser – cristalliser – dans Mother! les soubresauts de la création, et montrer dans ce conte noir finalement éblouissant par quels enfers passe un artiste lorsqu'il taquine (bel euphémisme) la muse. Voilà trois propositions qui ne peuvent être autre chose que du cinéma et qui le sont pleinement.


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