"Atlas des déplacements" : mythologies du paysage au Musée Hébert

L'exposition collective "Atlas des déplacements", qui se déploie sur les deux niveaux de l'annexe du Musée Hébert, convoque une déambulation physique et mentale, personnelle et collective, au cœur de la notion de territoire. Une proposition qui, à travers une quinzaine œuvres, redéfinit notre environnement. Visite guidée.


Après les balades urbaines crayonnées de Mathias Poisson au Vog de Fontaine et la Montagne défaite photographique d'Olivier de Sépibus dans les jardins du Musée de l'Ancien Évêché, nous continuons de chroniquer les expositions de la manifestation iséroise Paysage > Paysages. Direction cette fois-ci le Musée Hébert, avec un Atlas des déplacements qui tient de la mythologie selon la formulation du sémiologue français Roland Barthes, le paysage étant ici à la fois mode de signification et forme figurée.

Une ligne mystifiée qui se promène le long d'une quinzaine d'œuvres sous forme d'expérimentations, de tracés et d'objets pour rendre visible les mouvements des paysages, puisque l'immobilité est illusoire. L'espace-temps est alors dilué dans une somme de récoltes géographiques, de cartes et de témoignages dans lesquels l'individuel finit par infiltrer la notion commune d'un horizon qui parcourt la surface du monde. Des transformations permanentes qui ébranlent notre vision dans une confrontation entre le passé et le présent, la terre et le ciel, le palpable et l'impalpable.

Glissement vers l'ensemble

Chaque œuvre de cette exposition collective questionne ainsi la notion de paysage. À l'instar des Claire-voies de Francis Limérat qui tracent de manière abstraite les mouvements des pirogues, du vent et des vagues. S'inspirant des "cartes en bâtonnets" des îles océaniennes, l'artiste sculpte (et expose) un réseau de flux réels emprunt d'imaginaire.

L'Atlas des mouvements de Christophe Fink, œuvre qui donne le nom de l'exposition, convoque également une part de mystère à travers des données accumulées lors d'un voyage à Montréal puis retranscrites en dessins. En découle des fresques nébuleuses et des disques en céramique où se condense l'espace-temps. La précision des déplacements se distille dans une pluralité plastique appelant à de nouvelles expéditions.

Des expéditions devenues géologiques avec Cécile Beau et ses Particules minérales exprimant la temporalité de la roche pour un paysage animé par une mouvance latente.

Christo, quant à lui, propose, avec Running Fence, une performance in situ en Californie. En obstruant la vue du panorama par une frontière textile, il nous pousse à considérer l'environnement différemment.

Les frontières sont dynamitées avec Fernand Deligny et ses « lignes d'erre » qui suivent les déambulations d'enfants autistes dans les Cévennes. La cartographie élabore alors des tracés imprévisibles et dépourvus de but, pour une topographie commune où règne l'infini des possibilités du déplacement.

Du quotidien animé

Tandis que le collectif Quadrature dessine une typographique céleste avec son Satelliten. Un dispositif qui enregistre en temps réel les mouvements des satellites passant au-dessus du musée. Les tracés alors retranscrits révèlent un ballet invisible faisant le lien entre la terre et le ciel.

Une altérité qui prend une forme métaphorique avec l'installation vidéo de Nicolás Consuegra où le fleuve Magdalena, à Honda (Colombie), se déverse dans les écrans en une boucle infinie et en un trompe-l'œil statique. En usant de l'image animée, les artistes explorent ainsi le mouvement dans sa pluralité, avec des approches sémantiques et esthétiques très différentes dans la salle de projection. Six d'entre eux donnent à voir leur regard sur le paysage, du corps humain aux chemins de fer en passant par la cour de récréation.

Une présentation vidéographique complétée par une archéologie usuelle de cartes d'hier, de jeux de société et d'objets banals. L'Atlas des déplacements délivre ainsi un condensé d'œuvres artistiques qui esquissent une mythologie du paysage exaltante, infiltrée par le quotidien, redéfinissant notre rapport à l'espace, pour une phénoménologie du réel et de l'imaginaire.

Atlas des déplacements
Au Musée Hébert jusqu'au mardi 20 mars (prolongation jusqu'au 23 avril)


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