Quand la Pologne s'affiche au Mois du graphisme d'Échirolles

Après le Japon en 2016, le Mois du graphisme nous invite cette année à découvrir, au Centre du graphisme (qui l'organise) comme dans d'autres lieux partenaires, et pendant plus d'un mois, la folle créativité des affichistes polonais des années 1950 à aujourd'hui. Visite guidée de ce programme visuellement passionnant.


Entre le graphisme et Échirolles, c'est une histoire qui dure depuis 1990 ; histoire renforcée en 2016 avec l'ouverture du Centre du graphisme, devenu l'épicentre du Mois du graphisme. Un centre qui, pour cette nouvelle édition baptisée Pologne : une révolution graphique, consacre une rétrospective à la singulière école polonaise de l'affiche. Le parcours propose, grosso modo, de découvrir une génération de créateurs par salle : les pionniers dans la première, leurs élèves dans la seconde et, dans la dernière, la jeune génération.

L'accrochage n'y va pas par quatre chemins et, en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, le visiteur est immergé dans l'effervescence créative qui caractérise l'affiche polonaise d'après-guerre. Bien que la personnalité singulière de chaque artiste soit mise en avant par un mur d'affiches qui lui est dédié, il se dégage de cette jungle graphique des sensibilités communes qui témoignent d'un goût prononcé pour le surréalisme, le grotesque et les volutes psychédéliques.

Censure créative

Rapidement, on s'étonne que l'audacieuse liberté graphique de ces créateurs n'ait pas été plus entravée par la censure en vigueur à l'époque dans les pays du bloc de l'Est. Plusieurs éléments de réponse peuvent être avancés : tout d'abord, ces affiches ne sont pas à proprement parler "politiques" puisqu'elles font la promotion d'événements culturels intégralement sous contrôle de l'État. Par ailleurs, si les choix graphiques radicaux n'étaient pas bienvenus du côté de la représentation politique (soucieuse de s'adresser à un large public sans bousculer ses habitudes esthétiques), ils permettaient, dans le champ culturel, d'attester non seulement de la vitalité artistique derrière le rideau de fer mais également de valoriser une identité créative propre à la Pologne. Enfin, la touche surréaliste évoquée plus haut offrait l'avantage non négligeable de permettre de produire des affiches dont la possible dimension critique, non frontale, était relativement insaisissable pour un censeur en charge d'appliquer de stricts interdits. En effet, difficile d'aller sonder les délires interprétatifs suscités par ces images.

L'affiche procurait ainsi un espace de respiration dans lequel plusieurs générations d'artistes se sont engouffrées. Présentée dans la dernière salle et désormais libérée de la censure, la jeune génération (notablement féminisée) perpétue l'esprit de folle expérimentation de ses aînés tout en s'émancipant de leur influence : la sensibilité surréaliste disparaît presque totalement au profit d'une approche gentiment punk. Stimulante sur le plan visuel et passionnante d'un point de vue historique, cette exposition témoigne paradoxalement que ce n'est pas toujours dans un système de libre concurrence que la créativité est la plus débridée... bien au contraire !

L'affiche polonaise 1952-2018, une révolution graphique
Au Centre du graphisme (Échirolles) jusqu'au dimanche 31 mars

Le Mois du graphisme
À Échirolles et dans l'agglo jusqu'au jeudi 31 janvier


Et pour quelques affiches de plus

En plus de cette proposition réjouissante au Centre du graphisme, le Mois du même nom propose jusqu'à fin janvier des expositions aux quatre coins de l'agglomération grenobloise. Comme aux Moulins de Villancourt, à Échirolles, où une exposition rend hommage à Henryk Tomaszewski, figure majeure de la première génération de l'école polonaise et pédagogue de renom. Sont réunies ici les affiches de ses élèves (dont un grand nombre de Français), devenus à leur tour des graphistes internationalement reconnus. Passionnant ! D'autant plus que tout un tas d'anecdotes témoignent du sens de la formule et de l'énergie folle de Tomaszewski.

Sinon, les cinémas Pathé Chavant et Échirolles ainsi que la Rampe présentent une sélection considérable d'affiches réalisées pour promouvoir le 7e art. Bergman, Godard, Hitchcock ou Coppola passent ainsi à la moulinette graphique polonaise : surprenant !

Quant aux autres expositions, elles procèdent du même principe en rassemblant des affiches faisant à chaque fois la promotion d'une forme d'art spécifique: le théâtre et l'opéra au Belvédère de Saint-Martin-d'Uriage, le jazz au Centre culturel Montrigaud de Seyssins, le cirque à l'Espace Jacques-Prévert à Echirolles... Bref, de quoi occuper vos week-ends pendant encore un bon moment...


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