L'Alpe, une revue pour, depuis 20 ans, « aller au-delà du décor de carte postale »

Mercredi 28 novembre sort en kiosque et en librairie le nouveau numéro de la revue "L'Alpe", éditée par les éditions Glénat et le Musée dauphinois. Un numéro spécial puisqu'il s'agit de celui des 20 ans. On a profité de cette date anniversaire pour remonter le fil de l'histoire avec deux des membres de cette aventure « consacrée aux cultures et aux patrimoines de l'Europe alpine ».


« Cultures et patrimoines de l'Europe alpine » : voilà comment se définit la revue L'Alpe. Comprendre qu'on est ici loin des « angles sportif et touristique que peuvent avoir les autres magazines que l'on connaît sur le monde alpin » nous explique son rédacteur en chef Pascal Kober dans les bureaux grenoblois de la maison d'édition Glénat qui porte le projet. Voilà pour les intentions. Mais encore ? « C'est une revue européenne – on y tient – trimestrielle pour laquelle on ne va pas chercher que des contributeurs journalistes mais aussi – surtout – des savants, des chercheurs, des universitaires ainsi que des écrivains ou des créateurs comme Cavanna, Robert Doisneau voire Lætitia Casta ! C'est donc une revue très exigeante au niveau du contenu, avec en plus un gros travail sur l'iconographie pour aller au-delà du décor de carte postale que l'on a l'habitude de voir sur ce genre de sujet. »

La preuve dans ce numéro 83 avec une réflexion sur l'avenir des Alpes proposée par un professeur de géographie de l'université de Genève, un dossier sur le rapport de la jeune génération à la montagne écrit par une journaliste spécialisée en environnement ou encore des pages centrées sur des directeurs et directrices de musées qui évoquent leur métier. Tout ça dans une mise en page soignée. Car L'Alpe est un véritable objet dixit Sophie Boizard, corédactrice en chef depuis quelques mois (elle sera amenée à prendre la suite de Pascal Kober lors de son départ à la retraite l'an prochain). « C'est une encyclopédie en mouvement dont les numéros ne prennent pas une ride et que les lecteurs conservent précieusement. »

« Faire valoir le prix de l'information »

Flash-back. Fin des années 1980, à Grenoble. André Pitte, directeur de collection chez Glénat aujourd'hui décédé, émet l'idée de lancer une revue d'ethnologie alpine à la manière de Chasse-Marée, publication bretonne consacrée au monde de la mer. Le temps passe, d'autres projets voient le jour sur le territoire, jusqu'à ce que l'homme se rende compte de la pertinence du sien, atypique (il se construit en lien avec les équipes du Musée dauphinois, qui apportent un angle scientifique) et tout de suite positionné clairement comme se souvient Pascal Kober, présent depuis le début de l'aventure. « En 1998, on s'est dit que la seule manière de faire exister L'Alpe, c'était de faire valoir le prix de l'information dans la conception d'un tel titre. À l'époque où les magazines étaient autour de 20-25 francs, nous étions à 78 francs. Aujourd'hui encore, on est à 18 euros en kiosque. »

D'où le lectorat très spécifique de L'Alpe. « On s'adresse à tout le monde. On demande aux auteurs d'écrire comme s'ils écrivaient pour leur enfant lycéen. Bon, ils n'y arrivent pas toujours, comme ce sont de grands savants, on fait alors un énorme travail de réécriture derrière ! Mais la volonté est là : que la revue puisse être lue par le plus grand monde. Même si, pour être franc, l'enquête lecteurs que l'on vient de boucler montre que notre lectorat est CSP+++, des bac + 12 qui regardent Arte et écoutent France Culture ! »

« Ce pari du titre exigeant a marché »

Un positionnement audacieux qui, 20 ans après, tient toujours, L'Alpe, tirée à quelque 14 000 exemplaires diffusés nationalement (et dans certaines parties des Alpes francophones, comme la Suisse), étant économiquement rentable – même si l'équipe de rédaction permanente se résume aujourd'hui aux deux rédacteurs en chef, chacun à mi-temps (contre quatre personnes au départ). « Ce pari du titre exigeant a marché. Et on a été suivis d'une certaine façon, même s'il y avait déjà d'autres titres en local mais à la diffusion purement locale, car sont nés il y a cinq-dix ans une kyrielle de revues comme XXI, 6Mois, Papiers, la revue de France Culture… »

Une aventure qui devrait continuer encore longtemps, sur la même ligne éditoriale comme nous l'a assuré Sophie Boizard, avec trois axes forts pour l'avenir : consolider l'implantation européenne de la revue, proposer davantage de sujets concernant l'écologie, et avoir toujours autant de fond – si ce n'est plus, les lecteurs et lectrices leur demandant des articles encore plus longs. Beau programme.


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