"L'Insensible" : souffre-douleur

D'Ivan I. Tverdovsky (Rus.-Irl.-Lit.-Fr, 1h27) avec Denis Vlasenko, Anna Slyu, Danil Steklov…


Placé à l'orphelinat, Denis, 16 ans, est soudain récupéré par sa mère qui veut profiter de son "talent". Insensible à la douleur, Denis est en effet contraint de se précipiter contre des voitures afin de faire condamner comme chauffards les conducteurs au terme d'un procès truqué…

Les noms de ses représentants les plus indociles se trouvent souvent à la page des faits divers par volonté du pouvoir – tels Kirill Serebrennikov ou Oleh Stensov – pourtant, le cinéma russe continue de produire des réalisateurs d'importance, à l'image d'Andrey Zvyagintsev ou d'Ivan I. Tverdovsky. Auteur du déjà stupéfiant (et réussi) Zoologie, dont l'héroïne se voyait gratifiée d'un appendice caudal, le cinéaste emprunte à nouveau ici les chemins d'un proto-fantastique ultra-réaliste pour saisir les aberrations de son pays. De même convoque-t-il un personnage principal atypique dont une particularité lui vaut d'être traité en monstre. La parabole s'avère à chaque fois transparente : on décèle davantage d'humanité dans ses héros bannis ou exploités que dans l'ensemble de la population se prétendant normale, à l'instar d'Oksana. Mère déviante en cheville avec une machine judiciaire corrompue, elle abuse de l'analgésie congénitale de Denis en alternant caresses semi-incestueuses et coups de trique psychologiques.

Froid comme un shot de glace, si L'Insensible ne révèle rien quant à la corruption gangrenant les tribunaux russes, hélas,  il joue en revanche d'une efficace métaphore pour dépeindre une société vicieuse  tendant des pièges dans la nuit d'un bleu vénéneux pour mieux dévorer ses enfants. Une société dans laquelle il vaut décidément mieux être orphelin que mal materné.


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