86% des Françaises ont été victimes d'au moins une forme d'atteinte ou d'agression sexuelle de rue dans leur vie, selon une enquête Ifop pour la fondation Jean-Jaurès. Profitant de la date symbolique du 8 mars, la Ville de Grenoble a annoncé le lancement d'un appel à projets pour expérimenter pour les années à venir un dispositif de lutte contre le harcèlement à caractère sexiste, dans la rue et dans les bars.
« On sait aujourd'hui que le combat est loin d'être fini et qu'il va falloir le mener », introduit Laura Pfister, l'adjointe à l'Égalité des droits, mercredi 8 mars à La Capsule. À ses côtés, Maud Tavel, adjointe à la Tranquillité publique et aux Temps de la ville, explique l'inscription du projet dans le cadre du projet “Grenoble la nuit”. Repenser la vie urbaine nocturne nécessite de soulever la question épineuse : « Qu'est-ce qu'être une femme la nuit à Grenoble ? » Et surtout, d'avoir le courage d'y répondre...
Pour agir, la Ville entend s'appuyer sur « les associations les plus à même d'accompagner correctement les acteurs volontaires. ». L'appel à projets municipal sera donc ouvert sans restrictions, à toutes les assos spécialisées dans le domaine de la réduction des risques dans les milieux festifs et culturels. Confiante, Laura Pfister ne doute pas que cet appel trouvera une issue positive. « Des associations sont prêtes à travailler dessus. Elles nous attendent, même ! » Sont citées en exemple Keep Smiling, à Lyon, et Serein.e.s, à Grenoble.
Les lauréates de l'appel à projets devront, en pratique, « mettre à disposition des formations continues sur les violences sexistes et sexuelles. Mais aussi de la prévention des risques sur la consommation d'alcool et les drogues par exemple ». Un réseau de lieux dits "safe", ou lieux refuge, où un personnel formé sera en capacité d'assister et de soutenir des victimes de harcèlement, devra se créer. La Ville reprend un dispositif déjà existant, né en Angleterre en 2016 sous le nom “Ask for Angela”. Dans les lieux dits "refuges", les victimes sont invitées à demander à voir Angela, une sorte de mot de passe pour avertir d'un problème. Grenoble financera "Angela" à hauteur de 10 000€ annuels. « On a l'objectif d'avoir une première formation d'ici la fin de l'année », se satisfont les deux élues. Une formation délivrée gratuitement aux structures volontaires.
Il y a deux ans, le secteur de la nuit était en pleine crise et appelait de ses vœux une réponse politique. En première ligne, beaucoup d'acteurs assistaient impuissants à la déferlante "Balance ton bar", dont le PB vous a longuement parlé en novembre 2021 : cette vague de témoignages de victimes offensées, attouchées, agressées (parfois sexuellement), ou droguées à leur insu dans des lieux festifs et culturels. Dans ce contexte, beaucoup d'établissements sollicitaient justement les pouvoirs publics pour les soutenir dans la mise en place de formations des personnels à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Il semblerait que la collectivité les ait entendus, avec quelque 16 mois de décalage.
Pour mémoire : l'infraction pénale d'outrage sexiste a été introduite dans le code pénal par la loi du 3 août 2018, dite "Schiappa" renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Alors que l'outrage sexiste était puni par un une simple contravention de 750 € (pouvant aller jusqu'à 1 500 € en cas de circonstances aggravantes), l'outrage sexiste "aggravé" (quand il est commis par une personne abusant de son autorité, sur une personne vulnérable ou encore dans des transports collectifs) devient un délit puni d'une amende de 3 750 € à compter du 1er avril 2023.
L'outrage sexiste se définit comme le fait d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité, en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.