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"Balance ton Bar" : comment réduire les risques ?
Par Valentine Autruffe
Publié Lundi 29 novembre 2021
Photo : Charlène Jerez/PB
Nuit / Après le signalement à la justice effectué par Grenoble Ecole de Management sur la circulation de GHB dans les soirées étudiantes, fin octobre, le mouvement Balance ton Bar est une déferlante. Secoués, les acteurs grenoblois du secteur tentent de mettre en place des dispositifs pour limiter les risques de violences sexistes et sexuelles.
Affligeant mais (hélas) pas surprenant. A Grenoble, la page Instagram Balance ton Bar, lue par près de 7000 abonnés, recense une trentaine de récits de femmes qui rapportent des violences sexistes et sexuelles vécues en soirée. De l’agression pure et dure aux propos machistes, en passant par l’ingestion suspectée de drogue, il y a de tout. Et surtout cette désagréable impression que quelle que soit la gravité des faits, bien souvent, la victime doit se débrouiller avec ça, ou alors se battre pour espérer être entendue. Chaque témoignage (anonyme) est rapporté avec, en titre, le nom de l’établissement où les faits présumés se sont déroulés.
A la Belle Electrique, le directeur Fred Lapierre se sent « évidemment concerné. C’est très bien que la parole se libère. Quant à nous, on fait tout ce qu’on peut pour que les gens se sentent « safe » chez nous. » Dans cette grosse structure, il existe déjà pas mal de dispositifs : agents de sécurité (dont un qui garde l’œil sur le bar), SSIAP (service de sécurité incendie et aide à la personne), infirmerie aménagée... Avec Balance ton Bar, de nouvelles mesures ont été prises : « On met en place cette semaine une cellule d’écoute externalisée, tant pour nos équipes que pour le public. Elle pourra être contactée et apporter une réponse professionnelle, avec des psychologues, des juristes… Des gens dont c’est le métier. »
Conscience collective
Balance ton Bar rappelle à la directrice du Stud, asso gestionnaire de l’Ampérage, d’autres crises du milieu festif, comme la circulation de carfentanil, drogue très dangereuse, il y a quelques années. « On a été sensibilisés assez tôt à ces questions », explique Laurence Tadjine. Dans la salle de concert, partout des affiches sur le consentement, et des personnels avertis. « Il y a deux semaines encore, une dame s’est plainte d’un frotteur. On a constaté, il a été sorti et il ne reviendra plus. » Les différentes actions de prévention seront renforcées à la lumière de Balance ton Bar, ainsi que la sensibilisation des équipes, « mais cela doit se faire avec le public. »
A la Bobine, c’est plus compliqué, car l’association qui gère le lieu est directement mise en cause (l’affaire bruissait déjà dans Grenoble avant Balance ton Bar). La victime présumée raconte sur Instagram avoir été agressée à plusieurs reprises par un serveur – elle affirme n’être pas la seule -, et accuse l’association Projet Bob de ne pas l’avoir écoutée et d’avoir mis de longs mois à réagir. Cette dernière a répondu publiquement le 24 novembre. Elle explique que son action a été freinée par les dispositions du code du travail (on ne licencie pas quelqu’un du jour au lendemain sur la base d’un seul témoignage, si édifiant soit-il), reconnaît « la légitime colère des victimes » et présente « ses excuses ». Un communiqué en clair-obscur, puisqu’il défend la position évidemment anti sexiste de l’asso, sans être très éclairant sur les faits. « Ça nous affecte beaucoup, d’autant que nous travaillons sur l’égalité de genre depuis longtemps », confie Steeve, membre du conseil d’administration de la Bobine. Son collègue Jérémy renchérit : « Bien que l’on n’ait jamais prétendu être les rois de la question, on ne s’attendait vraiment pas à ce que cela vienne de l’intérieur... » Depuis, la Bobine a investi dans les fameux capuchons à verres, a renforcé l’affichage, et surtout la sensibilisation de ses équipes. C’est là qu’elle sollicite les pouvoirs publics. En tant qu’association, elle a besoin d’aide pour financer et mettre en œuvre ces formations. Du côté de l’Ampérage, Laurence Tadjine regrette également que les moyens alloués aux associations de prévention ne soient pas plus conséquents.
Eric Piolle en appelle à Emmanuel Macron
La municipalité a bondi sur le sujet, rappelant au passage toutes les actions entreprises autour des droits des femmes. Eric Piolle s’est même fendu d’un courrier au Président de la République. « Malgré notre volontarisme, les collectivités ne peuvent pas pallier l’absence d’une politique nationale », tacle-t-il, avant d’appeler Emmanuel Macron à prendre des mesures immédiates : contraindre tous les établissements festifs à désigner officiellement un référent sur le sujet, à aménager une « safe place » pour l’accueil des victimes, à former leur personnel, à positionner de l’affichage. Elue déléguée à l’égalité des droits, Chloé Le Bret enfonçait le clou le 24 novembre lors d’une conférence de presse, en amont de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Evidemment Balance ton Bar était à l’ordre du jour. « On a des revendications qui émanent de la société civile, on les portera jusqu’à ce que l’Etat plie. Ce sont des mesures d’ordre national. »
La Ville a immédiatement constitué un groupe de travail avec les acteurs des milieux festifs, et organisera en 2022 les Assises de la nuit, qui aborderont largement ce thème. « On les demande depuis quatre ans, mais c’est le résultat qui compte », commente Laurence Tadjine. Certains n’attendront pas jusque-là : lundi 29 novembre, de nombreux acteurs des milieux festifs se réunissaient, à l’appel du collectif Résonance (associations organisatrices de soirées comme TDN ou Hadra et salles de concert), pour mettre le sujet sur la table. Maintenant, il s’agit de garder à l’esprit que si l’implication est générale, les premiers responsables (coupables) sont les agresseurs.
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Des assos en première ligne
Spécialisées dans le domaine de la réduction des risques dans les milieux festifs et culturels, les associations Keep Smiling et Serein.e.s assurent un rôle aussi primordial que méritoire. Créée en 1996 à Lyon, mais disposant depuis cet été d’une permanente accompagnée d’une équipe d’une dizaine de bénévoles sur Grenoble, Keep Smiling a pour vocation première d’informer et de fournir des outils relatifs à la consommation de substances psychoactives dans les soirées électro/techno et les festivals de la région Rhône-Alpes. Un domaine d’action qui s’est progressivement étendu à d’autres sphères (sexualité, risques auditifs, prévention routière…) au fil des années. Plus récente, l’association Serein.e.s, formée en mai 2019 à Grenoble et regroupant une douzaine de personnes, s’est donné pour objectif premier de faire de la sensibilisation et de la prévention en milieu festif, autour de thématiques comme celles du consentement et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ainsi que les discriminations liées aux genres.
Un travail de terrain
Les deux associations, aux rôles éminemment complémentaires, se focalisent essentiellement sur un travail de terrain qui passe par la tenue de stands en soirées et festivals, la création d’outils et de ressources, ainsi que des temps de formation ou d’accompagnement à destination des salles, des associations et des différents acteurs d’évènements. Essentiellement composées de personnes habituées des soirées tardives et du milieu festif, elles interviennent sur demande auprès de structures telles que Mix’arts, Retour de Scène, Hadra, ADN, Résonance, et dans des lieux comme l’Ampérage, La Bobine ou encore La Belle Electrique. Comme le signale néanmoins Marion, coordinatrice de Serein.e.s, « on ne veut pas devenir un label, dans le sens où on ne mettra jamais de tampon "ici, c’est bon" à un lieu. Le principe des oppressions, c’est qu’elles sont partout, tout le temps, et prennent parfois des formes très insidieuses. En d’autres termes, il n’y a pas de recette magique, même dans des milieux se revendiquant souvent sensibles au féminisme ». DG
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