Le Monde, la chair et le diable

de Ranald MacDougall (1958, ÉU, 1h35) avec Harry Bellafonte, Inger Stevens, Mel Ferrer...


Choix mensuel de l'excellente Ciné collection (un film du patrimoine qui circule dans une quinzaine de salles de l'agglomération avant d'atterrir à Lyon au Comoedia), Le Monde, la chair et le diable est une curiosité. De son auteur, Ranald MacDougall, on ne sait pas grand-chose, et le film fait figure de coup d'essai/coup de maître au même titre que le mythique The Honeymoon killers. Un mineur noir se retrouve coincé dans un puits après une mystérieuse explosion ; quand il en ressort cinq jours plus tard, il découvre qu'il est le dernier homme vivant à New York, ravagé par le "poison atomique", et peut-être même le dernier homme sur terre. La première partie, qui montre sa déambulation dans la ville déserte entre hébétude et euphorie désespérée, est assez saisissante, le scope noir et blanc transformant les lignes des buildings en prison à ciel ouvert. La deuxième partie, qui voit l'apparition d'une survivante (belle, jeune et... blanche) et la troisième, où un rival vient s'intercaler dans ce qui aurait dû être le premier couple de la post-humanité, opèrent un subtil glissement vers le mélodrame. Surtout, le conte hanté par le spectre du désastre nucléaire (le film a été tourné en pleine guerre froide) fait un surprenant retour vers un tout autre sujet : la violence du préjugé racial. Dans une scène mémorable, une simple coupe de cheveux passe sans transition de l'érotisme feutré à la critique sociale, entre celui qui tient le ciseau et celle qui en tire profit. L'élégance de la mise en scène, la présence toute en convictions d'Harry Bellafonte (qui ne peut s'empêcher de pousser la chansonnette !) et le happy end final contribuent à faire de ce film apocalyptique une œuvre apaisée, à l'humanisme sincère et généreux.CC


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