Shotgun stories

de Jeff Nichols (ÉU, 1h31) avec Michael Shannon, Douglas Ligon...


Son, Boy, Kid. Trois frangins dans un bled de l'Arkansas respirant à pleins poumons l'ennui et la fatalité sociale. Trier des poissons, entraîner une équipe de basket ou draguer la jolie fille d'à côté, c'est l'horizon qui s'offre à cette jeunesse sans nom, le dos courbé et le sourire rare. Un matin, la mère de la fratrie vient annoncer la mort du père. Cela ne bouleverse personne, et pour cause : celui-ci avait laissé tout le monde en plan pour s'offrir un trip born again, et fonder une famille de bons chrétiens bouseux quelques baraques plus loin. Tandis que Jeff Nichols enregistre le quotidien infinitésimal de ces êtres paumés dans une nature souveraine, renvoyés à un temps définitivement mort, il prépare en sous-main l'argument qui va faire basculer le scénario de la chronique à la tragédie. Les histoires de fusils du titre, ce sont celles, éternelles, qui naissent des rancœurs familiales, vendettas dérisoires qui s'achèvent faute de combattants vaillants. Le génie de Shotgun stories tient dans cette temporalité particulière, où il ne se passe quasiment rien sur l'écran mais où le moindre geste est chargé d'intensité, où tout est toujours à fleur de peau. Même la réparation d'un tracteur devient devant la caméra de Nichols un passionnant instantané de vie et de vérité. C'est aussi une leçon de mise en scène où des personnages pas très malins sont rendus inoubliables par le regard humaniste et empathique que le cinéaste porte sur eux. Ça n'a l'air de rien, mais Shotgun stories est une des merveilles cinématographiques de cette année 2008.CC


<< article précédent
Battle for Haditha