Promets-moi

Emir Kusturica, en roue libre, racle le fond de la casserole de son univers pour ce film jovial, paillard, brouillon mais franchement sympathique. Christophe Chabert

De tous les cinéastes qui ont récemment joué à mort l'effet de signature, le clin d'œil «vous me reconnaissez» à leurs fans, Emir Kusturica est celui qui pousse le bouchon le plus loin et qui, pourtant, s'en sort le mieux... En cinq minutes, Promets-moi installe le traditionnel folklore du cinéaste, joyeusement hystérique, excessivement paillard et totalement déjanté. Ensuite, il rejoue la fable des rats des villes et du rat des champs : un gamin de la campagne serbe se retrouve à la ville sur demande expresse de son grand-père pour vendre une vache, récupérer une icône religieuse et trouver une épouse. Une fois sur place, ce sont surtout des mafieux complètement cramés qu'il va croiser. Pour se rendre compte du degré de crétinerie de ces voyous bling bling, il faut les voir essayer de vendre au maire de la ville le projet de reconstruire le World trade center entre deux terrains vagues... Sa majesté mineure On retrouve ici le Kusturica de Chat noir, chat blanc, celui qui préfère foncer fanfare allumée dans la farce franchisée plutôt que de lorgner vers les distinctions des festivals internationaux (contrairement à son précédent La Vie est un miracle). Qu'on se le dise, Promets-moi n'est pas à la hauteur de ce modèle il est vrai imparable... Le film est mis en scène avec énergie mais aussi avec un certain j'm'en foutisme, genre «on rattrapera le tout au montage» ; plus Mocky que Fellini, donc. Et le désir de remplir le scénario et le cadre jusqu'à la gueule entraîne quand même beaucoup de déchets (l'interminable running gag de l'homme volant, effet spécial mal gaulé au service d'une idée insistante, en est l'exemple le plus parlant). Mais c'est aussi cette surenchère incessante, ce foutoir généreux, qui rend le film franchement divertissant. À la manière de Jean-Jacques Annaud dans Sa majesté Minor, Kusturica jette par-dessus bord le bon goût bourgeois et se vautre dans une paillardise provocatrice : viols d'animaux en série, descente pleine de coke dans des bordels miteux, castrations à la pince coupante, le cinéaste est décidé à froisser les bonnes âmes «téléramistes». Quoique... Sur ce fumier fétide, il plante une rose magnifique : l'extraordinaire Marija Petronijevic, sorte de Liv Tyler des Balkans dont la fraîcheur et la cinégénie sont si évidentes qu'elles font immédiatement ressentir au spectateur le coup de foudre du jeune héros. Même au milieu des cris, des balles et des trognes grimaçantes, elle conserve une pureté coquine, un érotisme chaste qui explose à tous les plans. Depuis, Kusturica a promis qu'il allait passer à autre chose ; mais s'il veut revenir de temps en temps tourner des films mineurs mais réjouissants comme celui-ci, qu'il ne s'en prive surtout pas !Promets-moid'Emir Kusturica (Fr-Serbie, 2h06) avec Uros Milovanovic, Marija Metronijevic, Miki Manojlovic...

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