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Photo : ©ED Distribution
Et voilà quatre films qui sortent cette semaine parmi une quinzaine : N° 10, La Beauté du geste, Alam puis Banel & Adama. Suivez le guide !
À voir
★★★☆☆N°10
Une pièce de théâtre est en répétition, minée par différents problèmes privés affectant les acteurs. L’un d’entre eux, Günter, entretient notamment une liaison avec une partenaire de jeu, compagne du metteur en scène. Surtout, il bénéficie à son insu de la protection occulte d’agents zélés de l’Église catholique…
Bien malin qui, en voyant les premières minutes de ce film, devinera comment il s’achèvera ! Car même si l’on sait qu’Alex van Warmerdam est coutumier du bizarre ou du tordu, voire des sauts du coq à l’âne, N°10 offre un réjouissant twist peu avant son milieu qui en modifie totalement sa perspective et lui confère une dimension aussi fantastique que caustique. Ce qui ressemblait à un drame adultérin intimiste et répétitif ; à un vaudeville auto-réflexif nourri par les querelles d’ego d’artistes reclus en répétition — imaginez les coulisses de Dogville parasitées par le film lui-même — se métamorphose en un road movie identitaire, en enquête familiale, en récit de science-fiction totalement crédible (preuve que van Warmerdam peut rendre la plus invraisemblable des bifurcations narratives plausibles) avant de se conclure par un formidable brûlot anticlérical… qui n’a rien de gratuit. À travers cette parabole culottée, c’est la prédation économique habillée de prétendue spiritualité, ainsi que toutes les formes de colonialisme que le réalisateur atomise. On le voit, le théâtre (comme l’art en général) mène à tout, en particulier à la dénonciation de ceux qui tentent d’asservir les pensées. Voilà pourquoi il effraie autant les responsables politiques aux penchants réactionnaires. Brillant.
De Alex Van Warmerdam (P.-B.-Bel.-All., 1h40) avec Tom Dewispelaere, Anniek Pheifer, Gene Bervoets, Pierre Bokma…
★★★☆☆La Beauté du geste
S’entraînant dans un club de boxe tokyoïte, la jeune Keiko commence à s’imposer sur le ring. Une performance d’autant plus notable qu’elle est sourde et combat avec des entendantes. Pourtant, elle éprouve un subit sentiment de doute, alors que son club vacille et que pèse la pandémie du Covid…
Photographié sous toutes ses coutures, loué pour son potentiel chorégraphique, sa dramaturgie et sa symbolique sociale, le “noble art” n’en finira jamais de fasciner les cinéastes. Sho Miyaki fait avec ce biopic d’un crochet deux ou trois coups en s’intéressant à Keiko Ogasawara. Bien sûr, il suit le parcours de l’athlète à l’entraînement, pas uniquement sur le ring, dans la laborieuse solitude qu’induit son handicap, mais aussi dans ses rapports avec son maître ainsi que cette valse-hésitation concernant la poursuite de sa carrière. La motivation profonde demeurant la clef décisive de toute réussite sportive, la victoire durant le match apparaît alors presque secondaire. En parallèle, le réalisateur intègre dans son champ des personnages satellites dont les trajectoires dépendent des choix de Keiko : le maître de boxe, dont le gymnase et la santé périclitent, voyant dans cette élève hors norme une sorte d’apothéose ; la mère et le frère de Keiko, soutiens en apparence lointains mais fidèles à leur fille/sœur… Sho Miyake capture également des détails du quotidien (les prises de notes de la boxeuse dans son cahier-journal ; sa difficulté pour communiquer avec un entourage masqué — pandémie oblige…), les réactions sans filtre des passants ou des boxeurs du club jaloux de l’attention que Keiko suscite… Au finale, davantage qu’un “film sur une boxeuse“ ou circonscrit à la problématique du handicap, on assiste à une tranche de vie complexe et habitée.
De Sho Miyake (Jap., 1h39) avec Yukino Kishii, Tomokazu Miura, Masaki Miura…
À la rigueur
★★☆☆☆Alam
Élève palestinien plutôt dilettante, Tamer voit son année de terminale s’éclairer quand sa nouvelle voisine Maysaa intègre sa classe. Afin de s’attirer ses bonnes grâces, il accepte de participer à l’opération clandestine qu’elle fomente : ôter le drapeau israélien arborant le lycée le Jour de l’Indépendance…
Comme souvent dans le cinéma palestinien (mais aussi iranien, marocain, chinois ou occidental indépendant), l’arrière-plan a presque autant d’importance que l’intrigue : il se fait dépositaire de toutes les tensions, frustrations et ressentiments liés à la situation politique contemporaine. Corollaire : il faut garder à l’esprit la dimension militante de ces films, instruments de soft power international dont le financement se boucle grâce à des bailleurs de fonds ayant d’autres intérêts à défendre que l’idéal de la liberté d’expression — en l’occurrence, le Qatar et l’Arabie Saoudite sont coproducteurs, Cela étant dit, si l’on ôte la “coloration géopolitique“ (ou si on fait l’exercice de transposer l’argument dans n’importe quelle époque où un peuple se trouve sous le joug d’un autre peuple), on retrouvera le même développement et des rebondissements identiques. L’arc dramatique s’avère en effet d’une prévisibilité absolue (peut-être parce que l’histoire est tristement universelle et éternelle ?) ; rien n’est de nature à susciter la moindre surprise. Sans être un mauvais film, Alam s’inscrit juste dans un schéma logique.
De Firas Khoury (Pal.-Fr.-Tun.-Ar.-Sao.-Qat., 1h40) avec Mahmood Bakri, Sereen Khass, Mohammad Karaki
★★☆☆☆Banel & Adama
Dans leur village du Sénégal, Banel et Adama vivent depuis l’enfance une relation fusionnelle en cherchant à s’affranchir des oukases de la tradition. Quand Banel veut s’installer à l’écart de leurs familles et qu’Adama refuse de reprendre la charge héréditaire de chef, l’ensemble du village se dresse contre eux.
Aïe aïe aïe ! Si ce premier film n’avait pas figuré pour de vrai dans la sélection officielle de Cannes cette année, on aurait pu croire à une parodie de cinéma africain d’il y a cinquante ans, relooké pour la forme grâce à quelques effets numériques délivrant une once de spectaculaire durant ses ultimes minutes. Ils n’empêchent pas ce bref drame de souffrir de longueurs et d’un manque d’originalité agaçants. Il y a sans doute d’autres moyens de faire comprendre la vitrification (ou la régression) de la société ainsi que l’omnipotence d’une tradition bridant la liberté individuelle.
De Ramata-Toulaye Sy (Fr.-Sén.-Mal., 1h27) avec Khady Mane, Mamadou Diallo, Binta Racine Sy…
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