Expositions / Afin d'établir notre proposition mensuelle des expositions incontournables, nous avons arpenté les lieux d'art de la ville et des alentours pour vous inviter à un parcours sensible et évocateur, entre intimité, incantations gustatives, visuelles, verbales et cartographiques.
Silence par Julien Magre
Avec l'exposition personnelle consacrée à Julien Magre, la galerie Le Réverbère semble proposer un parfait contrepoint à L'éblouissement des apparences. Là où avec Yves Rozet pose un voile fantomatique et chimérique sur les images, avec Silence aucune métaphysique ne semble paraitre ni se dissimuler derrière ces œuvres, laissant émerger l'immédiateté de l'honnêteté photographique. La description de la quotidienneté familière et de l'enfance ne subit ni la spectacularisation de la fragilité ni la célébration généralisatrice et la gravité du geste du photographe s'avère résider justement dans l'adhérence à l'instantanéité, à l'immanence de la légèreté : des fragments d'une vie intime offerts à tout regard sensible et silencieux.
À la galerie Le Réverbère, Lyon 1er, jusqu'au 20 juillet
Guimauve sauvage par Bye bye peanuts
Après avoir mis l'odorat à l'honneur de la première exposition, pour sa deuxième étape à la découverte des liens entre les cinq sens et l'art contemporain, la galerie Tator a convié Bye bye peanuts, duo Dijonnais connu pour transformer les vernissages en véritables expériences esthétiques. Mais pour cette occasion l'interdit culinaire impose que l'on se limite à une contemplation ôtée de tout passage à l'acte : les exquises sculptures en guimauve, obtenues en mélangeant œufs, gélatine et sucre et envahissant les espaces à l'intérieur et à l'extérieur, articulent le plaisir du regard autour du désir de la privation. Guimauve Sauvage nous parle de l'œil gustatif, de l'évocation authentique et personnelle d'une mémoire involontaire et d'une jouissance imaginaire.
À la galerie Tator, Lyon 7e, jusqu'au 25 mai
Représenter le lointain : un regard européen (1450-1950)
La nouvelle exposition de la BML, organisée en partenariat avec la Conférence internationale d'histoire de la cartographie, axe son attention sur le regard européocentré de la représentation et appropriation du monde (et de l'univers). À travers une centaine de précieux documents, pour la plupart issus de la collection ancienne de la bibliothèque, les commissaires Jérôme Sirdey et Benjamin Ravier-Mazzocco ont choisi d'évoquer cinq siècles d'une histoire faite de découvertes, d'échanges et de colonisation. L'exposition, scandée en trois parties, s'ouvre sur la traduction cartographique des connaissances du 15e siècle et de la description des expéditions à la découverte des terres lointaines, pour passer ensuite au geste de l'appropriation territoriale et culturelle par les biais de l'exploitation et de l'évangélisation. La verticalisation du regard s'installe dans la dernière partie grâce aux documents témoignant de la conquête de l'espace mis à disposition par l'Agence spatiale européenne et la NASA.
À la Bibliothèque de la Part-Dieu jusqu'au 13 juillet
Entrouvrir l'image. Livres d'artistes par Marc-Antoine Decavèle
Pour le septième rendez-vous avec son "Cabinet des curiosités", Valérie Eymeric a invité Marc-Antoine Decavèle à prendre possession de l'espace intime situé à l'étage. Entrouvrir l'image est la rencontre puissante et clandestine entre une création originale de Decavèle et les mots manuscrits et poétiques de cinq grandes figures de la philosophie, de la poésie et de l'histoire : Georges Didi-Huberman, Michèle Cohen-Halimi, Claude Royet-Journoud, Jean-Claude Marcadé et Laurette Succar. Derrière chaque image il est possible d'entr'apercevoir un texte non illustratif, délaissant le dialogue afin de dévoiler une parole opalescente qui rentre en résonance avec l'image : une image qui renferme et protège.
À la galerie Valérie Eymeric, Lyon 2e, jusqu'au 29 juin
Une fois la poussière retombée par Zoé Baraton
Le travail de Zoé Baraton est traversé par la tension entre apparition et disparition ; son geste mesuré et élégant parvient à faire affleurer sur la pellicule du visible ce qui serait condamné à l'oubli ou à l'absence. Les saisissantes œuvres de la série Dashed dreams délinéent, sur papier blanc et à l'aide d'une molette à marquer, les villes fantômes américaines abandonnés après la fébrile période de la Ruée vers l'or : les petits trous suggèrent un dessin invisible que l'œil complète. The rest is history se déploie, à l'envers, sur du papier noir où grâce à un travail effectué au dermographe de tatoueur, une mystérieuse forêt surgit dans le silence. Des grandes installations de rouleaux de papier troués, ainsi que des gravures sur verre et de nombreux dessins complètent une exposition discrète à découvrir dans la quiétude.
À la galerie Houg, Lyon 2ᵉ, jusqu'au 25 mai
Nocturnes par Heike Gallmeier
Avec sa première exposition en France l'artiste berlinoise Heike Gallmeier tente une récapitulation de son parcours évoquant vingt-cinq ans de pratique artistique entre ombres et lumières. Hiératique et éblouissante, elle accueille les visiteurs dans une composition photographique inspirée par la Naissance de Vénus de Botticelli mais quelques mètres plus loin, tout se complique et les pantins horrifiques d'une maison hantée de parc d'attraction enténèbrent la visite. La majestueuse Death Island, œuvre inédite conçue spécifiquement pour l'occasion, interroge L'Île des morts de Böcklin à travers le geste de la déconstruction, le disséquant et le transposant dans une inquiétante contemporanéité où au regard de Dieu s'est succédé celui de la caméra de surveillance.
Au Centre d'art Madeleine Lambert, Vénissieux, jusqu'au 1er juin
Restes morcelés par Hisae Ikenaga
Si la lumière, grâce aux grandes baies vitrées, joue souvent un rôle capital dans les expositions de la BF15, pour ce nouveau rendez-vous elle laisse la place à l'espace qui devient ainsi l'aiguillon d'un travail plastique déroutant. L'artiste Hisae Ikenaga prend possession des trois salles, articulant un discours composé par des formes étranges alliant une mollesse qui rappelle Dalí et Wurm à la dureté des matériaux de la poterie. Une collection de restes morcelés, comme indique le titre, de fragments d'objets aliens se soustrayant rapidement à tout regard simpliste voulant les ramener au monde gastronomique, afin d'établir un nouvel univers biologique minant toute familiarité visuelle.
À la BF15, Lyon 1er, jusqu'au 25 mai