Hanter l'image : l'oeuvre de Yves Rozet à l'honneur à la galerie Le Réverbère

Photographie / Hospice Saint-Louis, Avignon, juillet 1984. Lors de la visite à l’exposition "Le vivant et l’artificiel", Jacques Damez et Catherine Dérioz font la rencontre avec l’œuvre de Yves Rozet ainsi qu’avec son auteur, présent discrètement dans la salle. Un événement fruit du hasard, à l’origine d’une intense collaboration donnant lieu à huit expositions personnelles. Quarante ans plus tard, et un an après sa disparition, la galerie lui rend hommage avec une rétrospective évocatrice et poignante. 

L’exposition s’ouvre avec le triptyque Identité(s) partition(s) datant de la rencontre avec les deux galeristes. Les visages morcelés, découpés et reconstruits instaurent un dialogue avec l’histoire de l’art, de l’Antiquité au dadaïsme, en passant par la Renaissance. Les trois âges de l’homme constituent un assemblage complexe et feuilleté de fragments d’identité échappant à toute vocation définitoire.

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Le questionnement sur l’identité se poursuit avec Utopie(s) – une promesse de bonheur (pour une mémoire ouvrière), série dont la frontalité se mue et se charge en portrait politique, dans un dialogue/télescopage entre August Sander et le dispositif scénique propre de la bourgeoisie.

Images de désir et images fantômes

L’image rozetienne se construit par strate : le montage recèle un geste d’introspection, désirant ou politique. La superposition de couches, ainsi que leur effacement, produit un surplus insaisissable, composé d’anachronismes et de hasards.

Les images érotiques de la série Il mirabile, assemblées à partir de négatifs sur verre, éblouissent par leur puissance dans une profondeur qui fait voler en éclats la volonté scopique réduisant l’image au respect de la perspective.

Les silhouettes de la série D’étranges devenirs à nouveau sont tributaires d’un processus de fixation et effacement, de tirage et ponçage où l’image finale paraît hantée par sa propre absence, à l’instar des œuvres de Boltanski ou des « bouts arrachés à l’enfer » selon la définition que Didi-Huberman donna aux photographies prises par les Sonderkommando d’Auschwitz-Birkenau.

Anges et chimères

La galerie expose également plusieurs aquarelles et eaux-fortes représentant des figures angéliques où le mortifère et le séraphique se réunissent dans une prémonition de la finitude : l’ange benjaminien de l’histoire dialogue ici avec les figures éthérées éthiopiennes.

Empruntant sa structure à la Divine Comédie, la série 33+1, Chimères poursuit le travail sur les apparences installant un point de vue trouble, comme les eaux qui brouillent les images : apparitions mirifiques, dans lesquelles s’intercalent les très silencieuses Figures Déliées.

Fragments de ville et d’histoire

Le parcours de l’exposition s’achève sur Sarabandes, collection de bribes de déambulations parisiennes et Souffrir mille morts, Fondre en larmes, rencontre entre les photos de ciels des lieux de la Shoah et la parole poétique et déchirante d'Annie Zadek.

Geste de respect et d’amour, la publication voulue par les galeristes de Chambres avec vue(s), dernier projet intime du photographe retrouvé dans les cartons, clôt parfaitement un hommage sincère et émouvant.

L’éblouissement des apparences. Yves Rozet
À la galerie Le Réverbère jusqu'au 30 mars
Visite commentée le jeudi 21 mars à 19h

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