L'élégance feinte

Musique / Une visite lyonnaise d'Helena (Noguerra) pour un récital pop faussement candide, sucettes à l'anis composées avec son compagnon-pygmalion Philippe Katerine, ou quand la belle et la bête ne forment plus qu'un. CC


Helena est belle. Cela dépasse le pur jugement de goût : ses traits gracieux sont accentués par une photogénie renversante, et la demoiselle a pris l'habitude d'en jouer. Inventant le rôle de panéliste de luxe pour plateaux télé décalés (candidate récurrente à l'époque du Burger quizz culte d'Alain Chabat), après avoir longtemps été "la-sœur-de-Lio", elle s'est dessinée dans les interstices une trajectoire sinueuse de chanteuse qui aujourd'hui semble trouver son point d'accomplissement. Tâtonnement initial en pleine vague trip-hop avec un album enregistré sous son nom et prénom avec l'équipe qui allait ensuite donner vie à Nouvelle Vague, Opération Bikini ne pouvait compter que sur sa déjà charmante présence vocale, un peu perdue dans des chansons mal foutues et des arrangements électro "tendance" déjà obsolètes.Pas si easy listeningEn fait, la carrière d'Helena va commencer à prendre son envol quand sa route croise celle de celui qui allait devenir son compagnon : le génial Philippe Katerine. Compagnon et rapidement pygmalion : comme il y eut le tandem Gainsbourg-Bardot, puis le tandem Gainsbourg-Birkin, et dans un temps plus récent le binôme Dominique A-Françoiz Breut, le couple Katerine-Helena va s'épanouir à la ville comme à la scène. D'abord avec un essai pas complètement convaincant de bossa-nova à la française, où une fois de plus tout tient sur la voix d'Helena, plutôt à l'aise dans un registre musical par ailleurs un peu limité. Enfin, l'année dernière, l'album Née dans la nature venait enfin accomplir les aspirations musicales de Miss Noguerra. Une écoute distraite laisserait supposer que ces comptines pop chantées avec ce qu'il faut de candeur enfantine feraient une excellente bande-son pour sieste estivale au bord de la piscine. Mais la chose prend une toute autre tournure quand, à la manière d'un film de David Lynch, les chansons révèlent leur part obscure derrière leur apparente frivolité. Ici, on parle de la vieillesse, de la mort, des fantômes et du sexe avec une élégance espiègle, on glisse sur la tragédie avec des ailes de colombe ; bref, on n'en fait pas tout un drame au sens le plus propre de l'expression. On voit bien ce que Katerine a mis de poivre dans le café au lait concocté par sa douce, comment ce couple-là se plait à fusionner en chansons leurs deux tempéraments. Tandis que lui déballe ses névroses et ses angoisses, elle le rassure en lui chantant une berceuse ; pendant que la bête sort de son antre l'écume libidineuse aux lèvres, la belle l'embrasse sur la bouche en lui disant "Je t'aime".HelenaAu Sirius le mercredi 18 mai"Née dans la nature" (Universal Jazz)


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Séduisant et sans suite