«Une géographie sensible et intellectuelle»

Guy Walter, directeur de la Villa Gillet, évoque cette nouvelle édition des Assises du Roman. Propos recueillis par YN


Petit Bulletin : Qu'attendez-vous de ces tables rondes thématiques ?
Guy Walter :
J'attends qu'elles constituent un jalon pour la réflexion critique sur le roman. Si la table ronde est bien construite, si les écrivains produisent des textes de qualité, elle fait le point sur une question qui va nous permettre de comprendre le roman d'aujourd'hui. Pour tous les sujets des tables rondes, la littérature est saisie comme un mode de représentation et d'interprétation. Les Assises revendiquent un humanisme contemporain et cosmopolite. Pour trouver une formule lapidaire, je dirais que ces tables rondes tentent de construire une géographie sensible et intellectuelle.Dans plusieurs rendez-vous, la production contemporaine est aussi mise en rapport avec l'histoire littéraire...
Avec la Villa Gillet, on s'attache au monde contemporain, on essaie de capter le temps présent. Mais je pense qu'il n'y a de compréhension du temps présent que s'il est contextualisé. Il est donc très important de le référer au passé, à l'histoire littéraire, à l'histoire des idées. On ne peut pas comprendre le présent sans en passer par ses généalogies. On ne peut pas dégager le sens d'un instant sans le confronter à ce qui l'a fait naître. Cet héritage est d'autant plus important pour le roman, qui est un genre protéiforme...
L'hétérogénéité et la valeur métamorphique du roman sont fascinantes : un roman est capable de tout absorber. C'est une force archaïque et universelle et c'est pour cela que je pense qu'on ne peut se passer de fiction. D'abord parce que la fiction peut tout absorber et ensuite parce qu'elle invente le réel (c'est le titre même des assises). Or inventer le réel, c'est à la fois l'interpréter et le construire. La littérature a en ce sens une valeur politique...
Plus tu as de mots, plus le réel est riche, plus tu le déploies. Plus tu as d'images, plus tu as d'imagination et plus le réel est vivant. Tu dépossèdes un être de sa vie si tu ne lui apprends pas le langage de la fiction et de l'imagination. Ce n'est pas pour rien que les grands systèmes répressifs trouvent la littérature intempestive et dangereuse. C'est une école d'émancipation et de liberté, et c'est aussi pour cette valeur politique que l'on organise ces Assises.


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