Les Fous fiancés


Avec Feydeau et une de ses pièces de jeunesse, Les Fiancés de Loches, Jean-Louis Martinelli semble aborder une sphère plus légère du théâtre que lors de ses précédentes mises en scène (Racine, Chouaki, Brecht), mais les apparences sont trompeuses. Les cascades de quiproquos et le double discours des groupes de personnages fonctionnent avec fluidité et révèlent aussi le fossé (supposé) qui sépare les fous des autres. Fin XIXe siècle, dans une société où l'homme n'a pas encore été analysé par Freud et Lacan, Feydeau joue avec la folie ordinaire. Les deux frères Gévaudan et leur sœur débarquent de leur province pour chercher l'âme sœur dans une agence matrimoniale. Par erreur, ils se retrouvent dans un bureau de placement et atterrissent au deuxième acte chez le docteur Saint-Galmier, sa future femme et sa sœur. Ils croient voir leurs promis, ils sont en fait les domestiques. Martinelli entraîne sa troupe de comédiens dans des décors grandiloquents et riches, plus modernes et actualisés aussi ; l'agence de placement est clairement une réplique de l'ANPE. Affublés de costumes sur-mesure extravagants, les acolytes se trompent et interrogent malgré eux le pouvoir. Rien ne dit que ce sont les provinciaux les plus fous, mais ce sont les Parisiens vivants dans l'opulence qui maîtrisent le langage. Cette maîtrise leur permet de prendre la main, hier comme aujourd'hui, sur les moins bien nés. Ce discours en filigrane n'enterre pas le rire présent de bout en bout et surtout, avec ce texte, Martinelli offre une scénographie de luxe aux personnages de Feydeau et les accompagne au bout de leurs abyssales différences. Nadja PobelLes Fiancés de Loches
Au TNP jusqu'au 20 mai.


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