Les règles du je


Table ronde / L'une des tables rondes les plus alléchantes de la semaine est sans aucun doute celle qui sera consacrée à la question du «je» dans l'écriture romanesque. D'abord parce qu'elle devrait permettre de dégager les principaux enjeux d'un choix narratif qui n'est pas forcément synonyme d'écriture de soi ou d'autofiction. Ensuite parce qu'elle réunit un plateau d'écrivains qui ont, chacun à leur manière, affirmé une voix et un style particulièrement singuliers. C'est le cas de la Nigériane Seffi Atta, dont le premier roman nous menait sur les traces d'une jeune fille pris dans la tourmente de l'histoire nigériane de la fin du XXe siècle. Un regard sur l'Afrique contemporaine que l'on retrouve dans deux des romans les plus importants de l'Américain Norman Rush (Accouplement et De simples mortels) à travers la mise en scène, là aussi, de destins individuels percutés par l'histoire avec un grand H. Ces deux auteurs seront accompagnés de deux écrivains que l'on aime beaucoup, le Français Laurent Mauvignier et l'Espagnol Julián Ríos. Le premier, que l'on suit avec beaucoup d'intérêt depuis son premier roman, Loin d'eux, paru en 1999, nous a impressionnés avec son magnifique Des hommes, un roman d'une grande finesse sur les stigmates de la guerre d'Algérie. À travers le personnage de Bernard, alias Feu-de-bois, il montrait comment le silence et les non-dits induisent la pérennité du mal, tout en donnant, dans la troisième partie du livre, une vision glaçante de réalisme de la folie guerrière et de la peur qui étreignait chacun de ces hommes ordinaires embarqués dans le conflit algérien. Quant à Julián Ríos, il est tout simplement l'un des auteurs les plus inventifs et les plus passionnants du moment. Malgré la facture un peu plus «classique» de son dernier roman, Pont de l'Alma, on retrouve là le mélange de fantaisie et d'érudition qui faisaient déjà le prix de livres comme Nouveaux chapeaux pour Alice ou Monstruaire, que les éditions Tristram viennent d'ailleurs de rééditer. On peut compter sur ces deux auteurs pour évoquer avec finesse cette délicate question de l'écriture à la première personne, qui présente bien souvent l'intérêt de fixer la narration à hauteur d'homme, dans l'intériorité des personnages, et d'éviter ainsi le piège «psychologique» de la narration extérieure. Pourquoi dire "je" ?
Avec Sefi Atta, Laurent Mauvignier, Norman Rush, Julián Ríos aux Subsistances, dimanche 30 mai.


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My name is Khan