My name is Khan

En dépit de sa tentative de démonstration que le cinéma indien ne se cantonne pas aux gros mélos sentimentaux gorgés de chorégraphies impromptues, l’histoire autour du film de Karan Johar se révèle malheureusement plus intéressante que l’œuvre elle-même… François Cau

Même pour le fan déférent de Bollywood, My name is Khan est un objet filmique monstrueusement ambivalent. La réunion de deux méga stars qui n’avaient pas tourné ensemble depuis huit ans, avec une sortie internationale conséquente à la clé. Un film qui arrive sur nos écrans auréolé des remous de son exploitation indienne. Son discours musulman-friendly et les déclarations de Shah Rukh Khan en ce sens ont en effet provoqué la colère de l’extrême-droite, qui a tout fait, y compris brûler des affiches et agresser des spectateurs, pour empêcher sa diffusion à Bombay (un cas unique dans l’histoire récente d’une industrie encline à la boucler par peur des retombées économiques). Mais ni l’acteur ni le réalisateur n’ont baissé leur pantalon et sont même allés jusqu’à créer un mouvement populaire inédit de résistance aux fondamentalistes. Avec le recul, My name is Khan appartient à cette catégorie de films sincèrement convaincus que le cinéma peut changer les choses, faire évoluer les mentalités. Mais cette naïveté, caractéristique du cinéma Bollywood et appliquée ici de façon inédite dans un cadre socio-politico-religieux, est également l’énorme limite du film.

La vie, c’est comme une boîte de tandoori

L’ambition majeure de My name is Khan est de plaider en faveur des citoyens musulmans dans l’Amérique post 11 septembre – quand on sait que le cinéma populaire indien représente quasi systématiquement les personnages de cette confession sous les traits de terroristes hargneux, on peut déjà apprécier l’effort ! Pour appuyer le trait, toute l’action est observée du point de vue de Rizvan Khan, atteint du Syndrome d’Asperger, dont l’innocence indécrottable parviendra à soulever des montagnes. Après la mort du fils de sa compagne des suites d’un tir de ballon de foot haineux (sic), Rizvan se met en tête de rencontrer le président des États-Unis et de lui répéter ce qui deviendra le leitmotiv du film, «My name is Khan, and I’m not a terrorist». Au cours de son périple, notre Forrest Gump indien sera malmené par les hommes de main de Bush, ira sauver les victimes de Katrina et finira par serrer la pince d’Obama. Même s’il en déplace les enjeux, My name is Khan tire avec une spectaculaire insistance sur la corde du mélodrame – la contre-performance de Shah Rukh Khan n’arrange vraiment rien –, finit même par travestir son discours sur la tolérance en lui soustrayant une visée effroyablement manichéenne : dans la vie, il y a surtout des gentils et des méchants. My name is Khan : un pas en avant pour l’industrie indienne, trois pas en arrière pour la reconnaissance internationale de Bollywood…

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