Dany Boon : « un silence dans un drame c'est profond ; dans une comédie c'est une longueur »

La Vie pour de vrai
De Dany Boon (FR-BE, 1h50) Avec Dany Boon, Charlotte Gainsbourg, Kad Merad

La Vie pour de vrai  / Invité aux Rencontres du Sud pour présenter sa nouvelle comédie avec Charlotte Gainsbourg, "La Vie pour de vrai", Dany Boon évoque les lointaines inspirations qui l’ont aidé à modeler son personnage de candide. Comme son rapport inattendu à Agnès Varda, Michel Ocelot ou Mounia Meddour…

Cela doit être de plus en plus difficile de créer un personnage de candide dans le monde inter-connecté où nous vivons aujourd’hui. Il y a une quarantaine d’années, Bienvenue Mr Chance montrait un personnage venu de nulle part…
Dany Boon : Oh, j’en parlais tout à l’heure, c’est dingue ! Being There, avec Peter Sellers ! Dans Bienvenue Mr Chance, c’est un ange… Le tableau de Magritte à la fin, c’est très beau. La naïveté avec laquelle il prend les choses… Et puis l'absurdité du monde, de la société telle qu'elle emmène la masse… Mais quelle était la question ?

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J’y viens : comment peut-on, matériellement, créer aujourd’hui un véritable candide ? Votre personnage navigue sur Google, il sait que le monde existe…
Le monde l’inquiète ! D’abord, il vit et grandit au Mexique. Il est au Club Med, il est un peu hors la vie et il l’a toujours été. Il n’en part pas parce qu’il a une sorte de sentiment de malédiction, sûrement de culpabilité parce que son père est mort alors qu'il en est parti avec son amour d’enfance. Donc il est resté pendant cinquante ans parce qu’il se disait qu’il allait arriver un malheur et puis il s'est habitué à cette vie-là… Donc il connaît le monde, il est surinformé comme nous tous aujourd'hui, mais cette surinformation amène souvent à la désinformation parce qu'on survole les sujets et la vérité n'existe plus, pas plus que la réalité.

J'ai rencontré des gens cultivés, sensés, intelligent partant au Club Med dans un pays d’Afrique à qui, comme je suis hypocondriaque, je demandais s’ils s’étaient fait vacciner contre la fièvre jaune ou s’ils prenaient de la Nivaquine. Et qui me répondaient : « mais non : on va au Club Med… » C'est absurde… C’est pas en passant la barrière du Club Med que les microbes et les bactéries s’arrêtent ! J’ai donc rencontré ce personnage en allant au Club Med il y a quelques années avec mes enfants et je me suis dit  que ce serait un personnage intéressant de comédie. Mais ce n’est pas le seul sujet du film. Le vrai sujet, c'est c'est l'histoire d’amour. Cet amour d'enfance que ce mec veut retrouver. Le fantasme qu'on peut se faire d'un amour d’enfance.

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© Denis Tribhou

Les premières émotions qu'on a enfant restent toute la vie : on les garde jusqu'à la fin. Même quand on a des maladies qui effacent la mémoire. Elles sont tellement pleines : on se souvient de la première fois qu'on a été révolté, ému, amoureux… Mon personnage dans le film a ce souvenir.

Au-delà, il dégage à travers sa gentillesse une forme de séduction…
Plus que séduire, disons qu'il a un regard un peu décalé sur le monde parce qu'il a vécu dans une bulle. Par exemple, il chante Aznavour dans l'avion parce qu’il a toujours fait ça et d'un seul coup, il y a plus d'ambiance en classe éco qu’en first — je ne sais pas si c’est vrai dans la vraie vie, c’est une chimère (rires). Il suffit de pas grand-chose en fait pour faire basculer la relation et les échanges sociétaux du bon côté, du côté du positif et des échanges. J’ai écrit le film après le confinement ;  j’avais besoin de dire « l'autre n'est pas qu'une menace ». Je me souviens que quand je promenais mon chien pendant le confinement, je croisais des gens qui se cachaient, qui s'écartaient ou qui se mettaient derrière des arbres pour pas me croiser ou que l’air qui sortait de ma bouche ne les atteigne ! Au début de cette pandémie, tout le monde disait que l'autre était une menace… Donc c'est toujours un mélange de plein de choses quand on écrit une histoire et qu'on raconte des personnages.

Il y avait aussi le désir de raconter le Paris que j'ai découvert quand je suis arrivé de Tournai en Belgique où j'étais étudiant. Je ne comprenais pas pourquoi les gens se parlaient si peu et étaient méfiants les uns des autres : c'était le choc ! Dans les grandes villes, les capitales, les gens sont un peu anxieux, tendus, se méfient les uns des autres et sourient moins facilement. Alors que quand j'étais dans les cafés en Belgique ou dans les estaminets du nord de la France, on se parlait. À Paris, quand des gens parlaient d’un sujet qui m’intéressait, je me joignais à eux et ils me disaient : « mais… on se connaît ? —ben non — ben alors ? — ah OK… » ; ou quand j’ai commencé à avoir des potes, j’allais les voir sans prévenir. Et j’avais toujours cette phrase : « Mais qu’est-ce que tu fais là ? — bah je viens dire bonjour.  —Ben pourquoi t’appelles pas avant ? —bah parce que t’es pas médecin, je vais pas prendre rendez-vous… »  Parce que dans le Nord, on va chez les gens, et ce truc-là, il est un peu aussi dans le personnage de Tridan.

Après, le trio comique amoureux m’intéressait, et le fait que le personnage de Kad ne se rend pas compte de la chance qu’il a d’avoir cette histoire d’amour avec Roxane que joue Charlotte Gainsbourg. Lui est à l’opposée de Tridan.

Michel Ocelot, j'adore ces films depuis toujours

Il y a une dimension altruiste chez Tridan que l’on retrouve dans votre activité de producteur : Michel Ocelot vous doit l’existence de son dernier film d’animation Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse ; vous avec coproduit Falcon Lake de Charlotte Le Bon, mais aussi Houria de Mounia Meddour. Comment choisissez-vous ces films qui sont très différents que ceux que vous signez et dans lesquels vous n’êtes pas impliqué comme comédien ?
C’est des projets qu’on m’envoie. J'ai démarré en sauvant un tournage parce qu'ils avaient perdu des investisseurs ; j'ai lu des scénars qui me plaisaient beaucoup et j'ai voulu mettre de l'argent. Au départ, comme j'avais beaucoup de fonds de soutien grâce à mes films. Michel Ocelot, j'adore ces films depuis toujours et j'étais très heureux de l’aider ; Mounia Meddour, j'adore son premier film Papicha et j'adore ce qu'elle écrit… Effectivement, c’est des choses très éloignées de moi et c'est des films plus compliqué à monter mais je suis ravi de le faire et d'aider ces réalisateurs qui ont beaucoup de talent. En comédie, c'est plus simple de faire des entrées et donc l'économie est plus plus facile. Alors, leurs films ne marchent pas toujours, en effet, mais ils rencontrent quand même un public même s'ils sont pas très rentable, voire pas du tout. J’avais coproduit le le dernier film d'Agnès Varda, Varda par Agnès (2019) et j'ai gagné de l'argent (rires) parce que le film s’est très bien vendu. Et c'étais un bonheur de rencontrer Agnès, de l'aider sur ce projet… J’aime bien faire ça ; j'adore perdre intelligemment mon argent (sourire).

Au point de vous lancer dans un film de ce genre ?
Alors… Je ne sais pas. Pas pour l’instant. Parce que j’aime la comédie. J’ai tellement besoin de faire rire, déjà, et d’émouvoir. Ça serait compliqué. Si je faisais un drame, je verrais toujours le petit décalage pour y arriver, c’est le problème.

Mais vous avez pourtant interprété des drames…
Oui, dans Une belle course. Mais c’est plus simple. Un silence dans un drame c’est profond ; dans une comédie c’est une longueur ; il y a moins besoin de rythme.

Laissez-vous une part à l’improvisation sur le tournage ?
Il y a des choses visuelles avec Kad. Quand on s’installe dans l’appartement et que je lui crache mon dentifrice dans la nuque, ce n’était pas prévu (rires). Je me suis fait un petit plaisir…

Au fait, le choix du prénom de Roxane pour le personnage de Charlotte Gainsbourg, c’est une référence au premier degré à Cyrano ou au second à la chanson de The Police ?
À Cyrano, oui bien sûr. C’est un clin d’œil un peu facile, mais quand je cherchais le prénom, Roxane s’est imposé. Et elle m’a offert le vinyle de Police…

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