Le Défilé comme rituel partagé à la Biennale de la danseÂ
Groupe participatif / Le 7 septembre prochain, la Biennale de la danse de Lyon s'ouvrira par son Défilé, cette année placé sous le thème des Danses recyclées. À la tête du groupe de clôture, créé spécialement pour cette édition, le chorégraphe brésilien Diego Dantas orchestre une expérience inédite avec une mobilisation libre et ouverte à toutes et tous.

Photo : Diego Dantas et le groupe de danseuses et danseurs amateurs à l'entrainement aux Grandes Locos © CD/LePetitBulletin
Ce soir-là , les éclairs fendaient le ciel, et la pluie battante s'invitait sur le toit de la halle des Grandes Locos. Loin d'interrompre la séance, l'averse a semblé galvaniser les 60 participant(e)s. Les corps se sont libérés, et les déplacements se sont précisés. « Trois quarts des participants n'ont jamais pris part à une Biennale », rappelle Stéphanie Claudin, cheffe de projets Défilé et projets amateurs. « L'idée de ce groupe est née de Tiago Guedes, le directeur de la Biennale. Nous voulions proposer une formule plus légère, permettant de rejoindre l'aventure avec un engagement moins long. Mais ce n'est pas pour autant une danse facile, ce n'est pas un flash mob. C'est exigeant, avec des journées entières de répétitions à venir. »
Le dispositif a été pensé pour accueillir une grande diversité de profils, de 10 à 70 ans, souvent en famille, entre amis ou entre collègues. Environ 180 personnes, réparties en trois groupes, ont rejoint le projet et pour certain(e)s, c'est la découverte totale. Marine et Chloé, deux sœurs, se sont lancées sans expérience préalable : « On s'est motivées, on n'a jamais fait ça, mais on avait envie de participer à cet ensemble », confient-elles. Véronique, au contraire, connaît déjà l'exercice : « J'avais participé il y a dix ans. Ce nouveau format m'a donné envie de revenir, et l'idée d'un projet avec le Brésil était un moteur. » Raïssa, arrivée du Brésil il y a un an et demi, n'a pas hésité une seconde : « Je suis brésilienne, et quand j'ai entendu parler de ce projet, j'ai tout de suite voulu en être. Pour moi, c'est une façon de retrouver la culture du carnaval. »

À la tête du groupe, Diego Dantas, directeur du Centre chorégraphique de Rio de Janeiro, s'impose avec une présence calme mais ferme. Il donne ses indications en portugais, aussitôt traduites par un interprète. À ses côtés, une assistante chorégraphe suit de près l'exécution des gestes, corrige les postures, veille à l'homogénéité de l'ensemble. À travers cette création, Diego Dantas aspire à faire résonner les mémoires du carnaval et de la culture afro-brésilienne dans les corps des participants. Il parle de « danses recyclées » comme d'une manière de réinventer les chorégraphies des carnavals de Rio de 2023, 2024 et 2025, pour leur offrir une nouvelle vie à Lyon. Les orixás, divinités issues des traditions religieuses yorubas d'Afrique de l'Ouest, traversent constamment son discours. Oxalá, divinité de la paix et de la création, Oxóssi, associé à la prospérité et à la nature, ou encore Oyá-Iansã, déesse des vents et des tempêtes, symbole de sagesse et de renouveau. Pour le chorégraphe, ces figures ne sont pas de simples ornements. Elles incarnent des forces vivantes qui structurent les gestes, chaque groupe étant pensé comme une représentation chorégraphique de ces divinités.
Une musique hybride, entre samba et textures électroniquesÂ
« Le carnaval de Rio est un symbole de la culture noire », explique-t-il. « En tant qu'homme noir, je vois dans ce projet une manière de faire résonner cette histoire ailleurs. Il s'agit de recycler des gestes, mais surtout de recycler des mémoires, de relier le passé au présent. » Sa parole, parfois métaphorique, relie l'énergie de la fête à des dimensions plus profondes comme la relation entre vie et mort, le vent qui réorganise le monde, la danse comme transmission spirituelle. Pour lui, faire entrer cette matière au cœur de la rue de la République, c'est inscrire un morceau de l'Atlantique noir dans le tissu de Lyon.
La musique, confiée au DJ lyonnais Pedro Bertho également d'origine brésilienne, prolonge cette logique de tissage. « On m'a contacté en février pour créer une composition. Je viens plutôt de la techno, mais cette fois j'ai dû m'immerger dans les rythmes afro-brésiliens. Ce n'est pas du tout la même rythmique, même si dans mes productions j'utilise déjà des sons organiques. Là , j'ai cherché un mélange entre l'électronique et la samba. » Sa création, traversée de percussions et de textures synthétiques, sert de colonne vertébrale sonore à la chorégraphie.
Le projet a aussi une valeur symbolique pour la Biennale. Comme le souligne Stéphanie Claudin, « ce partenariat avec le Brésil fait écho à la toute première édition, en 1996, qui avait déjà invité plusieurs compagnies brésiliennes. Presque trente ans plus tard, il s'agit de renouer avec cette histoire. » Pour les participant(e)s, un espace en ligne a même été conçu, où ils peuvent découvrir les références culturelles mobilisées par Diego Dantas, comprendre les intentions des gestes et s'imprégner de l'histoire des danses brésiliennes.
Défilé de la BiennaleÂ
Dimanche 7 septembre 2025 à partir de 16 h, de la place des Terreaux à la place Bellecour ; gratuit