La Maison de la danse, le toprock d'une institution

Publié Vendredi 22 août 2025

Patrimoine / Alors que la Biennale de la danse démarre, voici le récit de l'histoire de la Maison de la danse, établie depuis 1992 dans les murs du feu Théâtre du Huitième. Un lieu unique en France, sur le point de s'agrandir avec les Ateliers de la danse à proximité.

Photo : Maison de la danse 2025 © Romain Tissot

De quoi parle-t-on lorsque l'on évoque la Maison de la danse de Lyon ? L'institution ou bien les murs du grand édifice face à l'arrêt de tram Mairie du 8e ? Les deux ! Cependant l'histoire de l'institution commence avant qu'elle n'élise domicile dans cet arrondissement. Dès 1977, cinq chorégraphes envisagent alors qu'un lieu soit entièrement dédié à leur art encore en cours de structuration d'un point de vue étatique - la création des Centres chorégraphiques nationaux ne date par exemple que de 1984. En 1980, les vœux de Michel Hallet-Eghayan, Marie Zighera, Hugo Verrecchia (ancien directeur du Ballet de l'Opéra) et consorts devient réalité dans une salle municipale de la Croix-Rousse que leur confie Joannès Ambre, adjoint aux affaires culturelles de Francisque Collomb. Durant douze ans et sous la houlette du journaliste Guy Darmet, ce qui n'est pas encore nommé le Théâtre de la Croix-Rousse incarne le temple de la danse contemporaine. Le premier et le seul en France. L'esplanade au-devant de cette salle de 750 places (594 aujourd'hui) prendra ensuite le nom de l'adjoint et avocat pénaliste.

Mais le plateau est trop étroit et Guy Darmet, qui, fonde en 1984 la Biennale de la danse, voit plus grand. Il lorgne sur le Théâtre du Huitième. Le maire Michel Noir le soutient contre le ministère de la Culture de Jack Lang, qui finira par céder ce CDN qui s'est pourtant imposé comme une des structures majeures de la culture à Lyon depuis son inauguration le 14 mai 1968 dans un contexte de révolte nationale. Au lendemain, de la première très grande manifestation parisienne et deux jours avant la fermeture des théâtres, à commencer par celui de l'Odéon.

Un arrondissement en émergence

Le Théâtre du Huitième est une des pièces majeures du puzzle d'un quartier naissant, le jeune 8e arrondissement né moins d'une décennie plus tôt (1959). Le théâtre s'adosse à la mairie mise en service en 1966. La salle dispose (déjà !) de 1100 places et est inaugurée par La Naissance d'Armand Gatti. À cette époque, Lyon dispose de salles dédiées aux classiques (les Célestins), à l'opérette (l'Opéra) mais il n'y a pas d'espace pour le théâtre contemporain. Roger Planchon a filé à Villeurbanne dans le théâtre de la Cité qui deviendra le TNP. Et son petit théâtre situé dans une cour intérieure aux jonctions des rues de la Barre et des Marronniers est revenu à un certain Marcel Maréchal.

Maison de la danse et mairie du 8e -1968 © Georges Vermard

C'est lui qui sera le premier directeur (1968 à 1975) de ce nouveau et grand théâtre. Il programme sa compagnie du Cothurne quatre fois dans la saison d'ouverture (une comédie musicale d'Audiberti La Poupée, Dom Juan de Molière, La Mort de Danton de Büchner et la comédie paysanne La Moscheta de Ruzzante) et offre aussi le plateau au théâtre jeune public, ce qui est rarissime à l'époque. Il accueille des concerts : Léo Ferré, Marie Laforêt et même les Pink Floyd, « les futurs Beatles » comme il les décrit avec acuité !

En 1972, l'État labellise le lieu Centre dramatique national, renforçant son financement, mais Marcel Maréchal s'en va à Marseille trois ans plus tard après un dernier spectacle d'adieu adressé aux Lyonnais et écrit par lui-même : Une anémone pour Guignol. En vingt ans, pas moins de cinq hommes de théâtre lui succèdent, faisant perdre peu à peu son identité et ses abonnés à cette salle (16 000 au plus haut !). Parmi eux Robert Gironès (1975-78), Jacques Weber (1979-1985), Émile Herlic et Jérôme Savary qui ne restent que deux ans (1986-88) mais ont le temps de faire installer le rideau rouge de la salle toujours en place, pour sa comédie musicale Cabaret puis, finalement, Alain Françon de 1989 à 92.

Cabaret de Jérôme Savary à la Maison de la danse, 1986 Savary DR

Alors on danse

L'aventure du Théâtre du Huitième est ainsi terminée. Les membres de la compagnie des Trois-Huit y feront allusion quand ils créeront, dans le quartier des États-Unis, le NTH8, Nouveau Théâtre du 8e en 2002 (devenu récemment Le Ciel).

En 1992, la Maison de la danse quitte donc la Croix-Rousse et s'installe dans ce bâtiment de béton conçu par Pierre Bourdeix, élève de Tony Garnier, également architecte de l'Hôtel de ville de Bron, du pont de la Guillotière, des mairies des 8e et 9e arrondissements et de l'ancien Centre international de recherche sur le cancer.

Cette maison est rapidement celle de toutes les danses, s'ouvrant immédiatement au hip-hop, puis aux arts du cirque en 1995, accueillant aussi à plusieurs reprises les spectacles hybrides de Bob Wilson, disparu cet été. Dotée d'une grande salle où la visibilité est bonne partout, la Maison dispose aussi depuis les années 2000 d'un studio nommé Jorge Dorn (92 places), une salle vidéo et un restaurant ouvert midi et soir depuis 1988.

Le parking de 500 places, dont l'adjoint de Marcel Maréchal était si fier lors de l'inauguration, n'a plus lieu d'être à l'heure d'une ville en mode doux. Il deviendra un parc, qui devrait être livré au printemps 2026.

Parti en 2011, Guy Darmet est remplacé par Dominique Hervieu à qui Gérard Collomb avait déjà promis des Ateliers de la Danse supposés être construits ex-nihilo dans le quartier en totale refonte de la Confluence. Elle n'en voit pas vu la couleur car c'est en 2027 que Tiago Guedes (en poste depuis 2022) devrait inaugurer ce nouveau site dans le quartier du Bachut, ce qui l'amène à modifier le nom de Maison de la danse en MAD (Maison + Ateliers + Danse). Il comprendra une salle de création-diffusion de 450 places et deux studios d'une jauge de 100 et 40 personnes.

Pour celles et ceux qui ne peuvent faire le déplacement jusqu'à ce vaisseau amiral du 8e, deux ressources numériques gratuites de grande valeur peuvent amener à découvrir la danse :  la bible vidéo qu'est la plateforme numéridanse et la très qualitative série de podcasts consacrés à ce qui a mené des artistes à le devenir (Depuis je danse) et à la place des femmes dans ce milieu (Non ma fille tu n'iras pas danser).

La Maison de la danse
1966-68 : Construction du bâtiment. Architecte Pierre Bourdeix. 1100 places
1968 : Inauguration du Théâtre du Huitième
1980 : Inauguration de la Maison de la Danse située à la Croix-Rousse. Direction Guy Darmet
1992 : Emménagement de la Maison de la Danse au Théâtre du Huitième 8e 
2010 : Lancement de numeridanse
2011 : Nomination de Dominique Hervieu à la tête de la Maison de la Danse et de la Biennale de la danse
2022 : Nomination de Tiago Guedes 

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