Netflix à la Fête des lumières : quand l'Upside down s'invite en ville
Partenariat / Cette année, la Fête des lumières s'ouvre à un univers parallèle : celui de la série "Stranger things". Sur la place Sathonay, une installation immersive transpose l'imaginaire de la série dans la ville, avec Netflix en mécène.
Photo : Préfiguration de Stranger lights © Fête des lumières
La brume laser, les formes fracturées des ombres, un portail qui semble s'ouvrir sur un autre monde... Sur la place Sathonay, l'artiste Nils Rousset transpose une part de l'Upside down dans le 1ᵉʳ arrondissement. Et derrière cette brèche lumineuse se trouve Netflix, géant du streaming avec ses 200 millions d'abonnés à travers le monde, incontournable dans le paysage audiovisuel français, autant pour ses productions que pour ses investissements.
Audrey Hénocque, adjointe à la Culture et aux grands événements de la Ville de Lyon, décrit un processus d'évaluation « sur le plan artistique », mené comme pour tout autre mécène. « L'univers de la série se prête bien à la lumière et épouse naturellement la place », résume t-elle, assumant un choix d'abord plastique, presque méthodique.
Netflix, mécène assumé et désormais familier de la scène française
Si certains s'étonnent de voir Netflix dans un événement patrimonial, la plateforme a depuis plusieurs années renforcé sa présence en France. Depuis l'entrée en vigueur du décret SMAD (services de médias audiovisuels à la demande, ndlr), elle investit massivement dans la création nationale. Ces obligations ont donné corps à un accord signé en 2022 avec les organisations du cinéma français : un minimum de 4 % de son chiffre d'affaires annuel net en France doit être consacré au financement de films d'expression originale française, dont au moins 30 millions d'euros sont garantis chaque année.
La trajectoire financière est désormais bien installée. Le CNC estime que la plateforme a investi environ 250 millions d'euros dans la création française en 2023, dont près de 50 millions pour le cinéma. Les chiffres 2024 la consacrent comme le principal contributeur parmi les services de streaming. Et son mécénat s'étend au patrimoine comme l'illustre depuis 2023 son soutien pluriannuel pour les expositions et les actions culturelles de la Cinémathèque française.
À Lyon, son intérêt n'est pas nouveau. En 2021, Ted Sarandos, co-PDG de Netflix, rendait visite aux étudiants de la Cinéfabrique. Une manière de rappeler que la plateforme n'investit pas seulement dans des œuvres, mais aussi dans les futures générations qui les feront. Une démarche qu'elle poursuit ailleurs, notamment avec l'école marseillaise Kourtrajmé en 2025, via une convention de mécénat d'un an.
Une collaboration qui soulève des questions, sans renverser l'équilibre
Reste ce que signifie la venue d'un tel acteur dans un événement populaire dont l'ADN repose sur la création locale et l'expérimentation artistique. Depuis longtemps, la Fête des lumières fonctionne avec des mécènes : sur son site, la Ville évoque un "Club des partenaires" composé de dizaines d'entreprises privées qui soutiennent l'événement.
Ces soutiens ont toujours été perçus comme des partenaires pour la création lumineuse, et non comme des sponsors publicitaires agressifs. La Ville l'assume, en multipliant les sources de financement, elle protège la programmation d'une inflation technique qui rend les installations toujours plus exigeantes et coûteuses. Sur le budget global de 3, 4 millions d'euros prévu cette année, la Ville accorde 2, 1 millions tandis que les partenaires privés et publics apportent les 1, 3 million restants. Mais l'équilibre demeure fragile. La vraie nouveauté, peut-être, ne réside pas dans le principe du mécénat mais dans la nature du mécène. Contrairement aux partenaires habituels, Netflix n'est pas un simple mécène local ou industriel, c'est une plateforme mondiale qui invoque ses images et ses fictions.
Audrey Hénocque n'ignore pas cette réalité. Elle parle d'un « acteur de l'industrie créative », avec lequel les institutions publiques doivent apprendre à composer sans y voir forcément une compromission. Selon elle, il n'est pas question d'ouvrir un boulevard à une marque planétaire. La contribution d'environ 152 000 euros s'inscrit dans les limites rappelées par la municipalité, qui dit veiller à ce que la fête ne devienne pas une vitrine marketing déguisée.
Interrogée sur ce point, la plateforme affirme vouloir éviter toute ambiguïté : « Il est essentiel que notre présence soit perçue comme une contribution culturelle et non comme une opération publicitaire », assure-t-elle, tout en soulignant une volonté « d'aller à la rencontre des fans » et de proposer une expérience immersive inscrite dans la pop culture.
De son côté, la Ville s'appuie sur des garde-fous inscrits depuis longtemps dans une charte du mécénat adoptée en 2021, qui exclut les entreprises dont les pratiques environnementales ou sociales contreviennent aux valeurs de la Ville « telles que la préservation de la biodiversité, la solidarité et l'inclusion sociale, la Culture, ainsi que la participation démocratique et citoyenne ». Reste à voir si cela suffit, et jusqu'où cette porosité entre création et promotion sera jugée acceptable par le public.
Stanger lights
Les 5, 6 et 8 décembre 2025 de 19h à 23h et le dimanche 7 décembre 2025 de 18h à 22h sur la place Sathonay (Lyon 1ᵉʳ) ; gratuit

