Alison Knowles : le protocole jamais n'abolira l'imprévu
Art performance / À quelques jours de sa disparition, le MAMC+ de Saint-Étienne Métropole rend hommage à l'artiste étasunienne avec une grande rétrospective retraçant une carrière consacrée à faire de la vie ordinaire le matériau d'une expérience commune.
Photo : Alison Knowles, Broken Line with Slippers, 1983 (détail). Vue d'exposition Alison Knowles. Une rétrospective. MAMC+, 2025 ©Aurélien Mole / MAMC+
La métropole stéphanoise n'est pas toujours sous les projecteurs, mais l'exposition consacrée à Alison Knowles mérite incontestablement qu'on s'y attarde. En rassemblant six décennies d'expérimentations, la rétrospective redonne à Alison Knowles une visibilité qui demeure malheureusement encore trop partielle. Car, dans l'effervescence masculine accompagnant la naissance de Fluxus, elle occupe une position aussi centrale que marginale : présente à chaque étape, mais rarement nommée comme pilier.
Cette exposition itinérante, après Berkeley et Wiesbaden et avant de conclure son périple à Copenhague, rectifie cette perspective, restituant la portée révolutionnaire de son œuvre. Refusant le statut d'exception féminine, elle a développé un langage où les gestes les plus discrets (couper, mélanger, marcher, toucher) deviennent des protocoles d'attention.

Défaire l'écoute
Le parcours adopté par les commissaires Karen Moss et Alexandre Quoi met en évidence une bascule décisive : l'artiste ne s'est jamais contentée d'illustrer l'esprit du mouvement créé par George Maciunas, le déplaçant davantage vers une pratique sonore radicalement non musicale. Ses œuvres ne "jouent" pas : elles exposent les conditions mêmes de l'écoute. Dès les années soixante, Knowles substitue au son produit l'acte de faire sonner : grains, papiers, fibres et objets trouvés deviennent autant de surfaces vibratoires, offertes à l'activation du public. Cette approche, nourrie de ses échanges avec Cage mais affranchie de toute doctrine, installe l'oreille au cœur de l'expérience.
Les installations immersives des années soixante-dix et quatre-vingt prolongent cette orientation : non pas des environnements spectaculaires, mais des dispositifs où la matière s'exprime par frémissements, frottements ou chutes lentes. En amplifiant l'usage d'éléments domestiques, de tissus, de graines, de gestes du quotidien, Knowles en renverse la hiérarchie : ce qui semblait mineur devient opératoire.
Une œuvre en résonances
Ce qui apparaît au MAMC+, c'est l'étonnante cohérence d'une œuvre construite contre les assignations. Deux volets structurent l'exposition : la période Fluxus, où se posent les bases d'une écriture d'actions minimales, et les décennies suivantes, où Knowles déploie l'étendue de son vocabulaire matériel et acoustique. Loin d'un récit linéaire, le parcours compose une constellation où chaque pièce renvoie à une autre, où la structure rhizomique recèle un fonctionnement par résonances nécessaires et successives.

Alison Knowles. Une rétrospective
Jusqu'au 15 mars 2026 au MAMC+ (Saint-Priest-en-Jarez) ; de 0 à 6, 50€

