Novembre à Lyon : parcours d'expositions

Publié Jeudi 30 octobre 2025

Sélection / À Lyon, les brumes se confondent avec les pigments, les pierres parlent encore aux ombres, et la lumière hésite entre matière et souvenir. Dans les salles, les chapelles, ou les espaces souterrains, éclot ce qui précède la beauté : ce tremblement du visible avant qu'il ne prenne forme. Chaque exposition devient ainsi une tentative d'approcher le réel, non pour le décrire, mais pour l'éprouver.

Photo : Alain Pouillet, Esperanto ©Theodorusega

La saison des brumes

Post-graffiti / Les œuvres structurant la partition déployée dans la grande salle de la galerie sont habitées par des formes abstraites, traces d'un mysticisme à la fois discret et concret. Avec La saison des brumes, exposition qui s'inscrit en contrepoint de sa personnelle Equinozio di primavera présentée l'année dernière, l'artiste déclare son attachement à ce phénomène atmosphérique qui accompagne l'entrée dans l'hiver. À travers des aplats jouant sur les juxtapositions de formes et de papiers, 108 Nero compose un paysage qui restructure le réel : une tentative de résistance, à la fois à la narration et à la réappropriation par le monde extérieur.

Vue de l'exposition ''La saison des brumes'' de 108 Nero, galerie Masurel, 2025 ©Ghislain Mirat

La saison des brumes par 108 Nero
Jusqu'au 22 novembre 2025 à la galerie Masurel (Lyon 2e) ; entrée libre


In the mood for Wong Kar-wai & I luoghi di Pasolini

Photographie / Deux errances se croisent ici : celle des visages traversés par la lumière et celle des lieux marqués par la disparition. D'un côté, les couleurs lentes de Wong Kar-wai prolongent le désir jusqu'à l'immobilité. De l'autre, Pasolini survit, à travers l'œil de Gilles Verneret, dans les paysages vidés, devenus mémoire du corps et du regard. L'exposition réunit donc deux respirations dans la durée silencieuse d'un plan ou d'un chemin désert : l'image comme trace du vivant, la photographie comme seuil entre le visible et ce qui s'efface.

Wong Kar-wai, In the mood for love, 2000 ©Jet Tone

In the mood for Wong Kar-wai & I luoghi di Pasolini par Wong Kar-wai et Gilles Verneret
Jusqu'au 29 novembre 2025 au Bleu du ciel (Lyon 1er) ; entrée libre


Fragmentation

Peinture / Chez Alain Chevrette, la peinture n'observe pas le monde : elle en rejoue la genèse. Chacune de ses toiles se présente comme le lieu où la couleur devient pensée en action. Les masses chromatiques s'affrontent, se résorbent, s'équilibrent dans une dynamique d'instabilité maîtrisée. Se soustrayant à la figuration et à la représentation, ces peintures accueillent les formes mouvantes d'un réel qui, réticent à toute fixation, agit comme mouvement jaillissant et intensif.

Alain Chevrette, Sans titre, huile sur toile, 2025, 146x114 cm © galerie Valérie Eymeric

Fragmentation par Alain Chevrette
Jusqu'au 29 novembre 2025 à la galerie Valérie Eymeric (Lyon 2e) ; entrée libre


New works

Art contemporain / À la Galerie 48, Mari Katagiri réunit deux approches qui explorent la peinture comme lieu de superposition émotionnelle et vitale. Si Joseph Piasentin travaille la surface comme une mémoire active, faite de retraits, de reprises, de tensions, Toko Tokunaga fait affleurer la couleur dans sa lenteur propre où chaque nuance semble respirer. Chez l'un comme chez l'autre, le regard s'arrête sur ces points où l'image hésite encore à naître, ces détails tant aimés par Daniel Arasse : les lieux où la peinture, discrètement, pense le monde.

Toko Tokunaga, Source, 2025, 91x60, 6 cm ©︎ galerie 48

New works par Toko Tokunaga et Joseph Piasentin 
Du 18 novembre au 6 décembre 2025 à la Galerie 48 (Lyon 1er) ; entrée libre


D'une branche sur laquelle j'avais grimpé

Art organique / S'organisant comme une méditation sur la matière et ses passages d'état, l'exposition de Jonathan Brechignac compose un champ sensible où les éléments (branches, pigment, poussière) oscillent entre apparition et effacement. Dans ses œuvres, le geste éparpillant le pollen de pin active une tension fragile, occasionnant la création de lieux d'équilibre où les traces se muent en respiration, et la forme en méditation. La narration laisse ici la place à l'évocation ainsi qu'à des formes naissantes et déjà sur le point de disparaitre, questionnant l'acte de voir et ses dogmes.

Jonathan Bréchignac, Tryptique, pollen de pin, 2024

D'une branche sur laquelle j'avais grimpé par Jonathan Bréchignac
Jusqu'au 20 décembre 2025 au Nouvel institut franco-chinois (Lyon 5e) ; entrée libre


Au risque d'embellir la vie des hommes

Peinture / La peinture d'Alain Pouillet naît d'une urgence, non d'un projet, car l'artiste ne compose pas : il délivre. Ses visions, nécessaires, s'imposent comme des éclats de réel arrachés à l'invisible. Son "réalisme fantastique" ne relève pas du rêve mais d'une intensification du monde : ici la matière pense, la lumière palpite, et tout devient signe. Chaque toile est, de son propre aveu, un geste qui répare quelque chose, en lui, en nous. L'acte de peindre agit de ce fait comme un geste curatif : la douleur se transmue en regard, le visible en guérison.

Alain Pouillet, Là-bas, la disparition et ensuite, huile sur toile, 2024

Au risque d'embellir la vie des hommes : 50 ans de peinture par Alain Pouillet
Jusqu'au 20 décembre 2025 à la galerie Françoise Besson (Lyon 1er) ; entrée libre


William Bouguereau et les Lyonnais. Regards croisés entre Paris et Lyon

Peinture et dessin / Défini par Charles Vendryes comme « l'un des plus renommés et des plus habiles représentants de l'école idéaliste », William Bouguereau incarne cette figure d'artiste célébré de son vivant, mais tombé dans l'ombre (du moins, en France) après sa disparition. Si près de 90 % de son œuvre a gagné les États-Unis, la redécouverte tardive de celui qui fut l'un des peintres majeurs de la Belle Époque a nourri bien des regrets, partiellement apaisés par l'ouverture d'une salle au musée d'Orsay en 2010. L'exposition offre l'occasion d'explorer des pièces méconnues, des études préparatoires rarement montrées, et de mesurer l'écho de Bouguereau dans la production lyonnaise de ses contemporains, parmi lesquels Louis Janmot, Paul Borel, Paul Chenavard, Puvis de Chavannes ou encore Paul Flandrin.

William Bouguereau, Étude peinte pour L'amour piqué, v.1894, huile sur toile, 52 x 45 cm, collection particulière ©DR

William Bouguereau et les lyonnais. Regards croisés entre Paris et Lyon
Jusqu'au 21 février 2026 à la Tomaselli collection (Lyon 9e) ; de 0 à 10€


Étretat, par-delà les falaises. Courbet, Monet, Matisse

Art moderne / Retraçant la construction du mythe d'Étretat, village de pêcheurs de la côte d'Albâtre devenu au XIXᵉ siècle un haut lieu artistique, l'exposition conçue en collaboration avec le Städel Museum de Francfort-sur-le-Main, s'annonce comme un des événements majeurs de la fin de l'année. Les falaises se dressant face à la mer incarnent non pas un motif, mais l'aiguillon d'une réflexion picturale, photographique et littéraire où la lutte avec le visible se renouvelle et se dramatise. La masse des vagues affrontée par Courbet, la vibration de la lumière peinte par Monet, les aplats intenses de Matisse insufflent leur force à un parcours expositif où romantisme, impressionnisme et symbolisme dialoguent. Étretat, par-delà les falaises, ouvre aussi sur la part d'énigme et de fascination que font résonner les œuvres de Maurice Leblanc et de Guy de Maupassant, entre imaginaire romanesque et vertige des falaises.

Claude Monet, Etretat, la Manneporte, 1883 Huile sur toile, 65.4 x 81.3 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. GrandPalaisRmn / image of the MMA

Étretat, par-delà les falaises. Courbet, Monet, Matisse
Du 29 novembre 2025 au 1er mars 2026 au Musée des Beaux-Arts (Lyon 1er) ; de 0 à 12 €


Jean Couty à l'Antiquaille

Peinture / S'inscrivant dans l'atmosphère recueillie d'un lieu propice à la contemplation, la nouvelle exposition monographique consacrée à l'artiste lyonnais prend vie dans les salles de l'ancien couvent de la Visitation de l'Antiquaille. Articulé en trois temps, le parcours s'ouvre sur les vues d'un Lyon bordé d'eau, avant de mettre à l'honneur le lieu tant aimé auquel l'artiste demeura attaché toute sa vie : le berceau paisible de l'île Barbe. La chapelle accueille enfin les vues d'églises romanes, réalisées dans une tension entre élan vital et rigueur constructiviste, ainsi que la grande toile Le Bénédicité, où se conjuguent symbolisme et métaphysique.

Jean Couty, L'île Barbe sous la neige, vers 1950, huile sur isorel, 55 x 46 cm, collection particulière

Jean Couty à l'Antiquaille
Jusqu'au 30 avril 2026 à l'Antiquaille (Lyon 5e) ; de 5 à 8€


Merveilleux Moyen Âge

Patrimoine / Entre fragments lapidaires et récits mythiques, l'exposition articule archéologie du merveilleux et présence contemporaine. Provenant de l'ancien centre spirituel de l'île-Barbe, les pierres sculptées et les objets médiévaux sont réactivés non comme vestiges figés, mais comme marqueurs d'un imaginaire toujours en mouvement. Ni pure reconstitution ni simple métaphore, l'exposition est un voyage opérant une traversée de la matière et du symbole, où le Moyen Âge devient un miroir exigeant de nos désirs et de notre quête d'origine.

Vue de l'exposition ''Merveilleux Moyen Âge'', Musée Gadagne, 2025 ©Philippe Somnolet/item

Merveilleux Moyen Âge. L'abbaye de l'île-Barbe, un voyage aux portes de Lyon
Jusqu'au 1er novembre 2026 au Musée d'histoire de Lyon - Gadagne (Lyon 5e) ; de 0 à 9€