Lubitsch / Rosi : sérénade à deux à l'Institut Lumière

Rétrospectives / L’un aurait fêté son centenaire, l’autre ses 130 printemps en 2022. Mais tous deux sont d’une étonnante contemporanéité et — curieusement — complémentaires. Ernst Lubitsch et Francesco Rosi finissent l’année à l’Institut Lumière.

A priori, Ernst Lubitsch (1892-1947) et Francesco Rosi (1922-2015) ne semblaient pas voués à se partager le calendrier d’une double rétrospective tant ils se situent dans des temporalités et des registres disjoints. Prolifique réalisateur de comédies à large spectre et forte profondeur sociétale, le premier finissait à Hollywood une carrière entamée en Allemagne à l’époque du muet, quand le second faisait ses gammes comme assistant de Visconti avant de devenir l’une des grandes signatures d’un cinéma politiquement marqué dans l’Italie des années 1960-1970, aux côtés de Elio Petri ou de Scola. Pourtant, l’un comme l’autre n’étaient pas réductibles à leur registre de prédilection.

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La politique du rire

Ainsi, si l’on trouve irrésistibles de drôlerie piquante les badineries de Lubitsch (voir le méconnu La Folle Ingénue, électrisé par la sensualité naïve de la belle Jennifer Jones ; Ninotchka porté par le charme fondant de Greta Garbo ou La Huitième Femme de Barbe-Bleue dynamisé par la course-poursuite sentimentale entre Gary Cooper et Claudette Colbert), n’oublions pas qu’il fut à l’instar de Chaplin l’un des premiers à se payer frontalement la tête d’Hitler avec le mémorable To be or not to be — judicieusement traduit en français par Jeux dangereux. Épris d’élégance dans les situations comme dans le sarcasme et ses distributions, ce ponte de la Paramount fut étonnamment peu revisité. Outre les quinze films de la rétrospective, deux remakes inspirés par son œuvre sont également projetés : To be or not to be évidemment et Vous avez un mess@ge en écho à The Shop around the Corner — si Broken Lullaby avait été au programme, le Frantz de Ozon eût pu être ajouté.

Concernant Rosi, (re)découvrir par exemple Cadavres exquis, Main basse sur la ville ou Le Christ s’est arrêté à Eboli peut susciter des sentiments ambivalents : si l’on est captivé par l’intransigeance du récit dénonçant la corruption morale ou politique des pouvoirs, on ne peut s’empêcher de frissonner en mesurant la (trop) grande proximité entre ses fictions et la situation actuelle, même si nous ne sommes plus dans les années de plomb. Ce voyage en Italie sera aussi l’occasion de renouer avec Gian Maria Volonte de L’Affaire Mattei à Lucky Luciano, mais aussi de se souvenir que Rosi ne dédaignait pas la geste épique : Carmen, Chronique d’une mort annoncée ou Salvatore Giuliano en témoignent. Notez d’ailleurs que Michel Ciment, auteur du Dossier Rosi, sera présent le 13 décembre à 20h30 pour présenter ledit film.

Rétrospectives Ernst Lubitsch et Francesco Rosi
À l’Institut Lumière jusqu’au 24 janvier

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