Fait d'hiver

Simon Delétang met en scène “Le 20 novembre“ de Lars Norén au Théâtre Les Ateliers. Une pièce coup de poing livrée avec subtilité par un comédien d'exception. Dorotée Aznar


«Vêtu de noir, le visage masqué et ceinturé d'explosifs, un ancien élève d'un collège du nord-ouest de l'Allemagne âgé de 18 ans a semé mercredi matin la terreur dans l'établissement, tirant au hasard et faisant plusieurs blessés dont certains graves avant de se donner la mort». Ce fait-divers s'est déroulé le 20 novembre 2006. Quelques semaines plus tard, Lars Norén, auteur suédois, décide d'écrire sur ce jeune homme qui a prémédité l'assassinat d'écoliers et d'enseignants avant de se donner la mort. Il livre un monologue qui retrace les heures précédant la tuerie et tente de répondre à la question que tous se sont posée : pourquoi ? Les deux tiers du texte de Lars Norén reprennent très exactement le journal intime de Sebastian Bosse. Il y raconte les souffrances ordinaires d'un adolescent qui ne répond pas à ce que le système scolaire et la société attendent de lui et sa réponse, extraordinaire, à cette exclusion. Norén ne juge jamais Sebastian. Une écriture sèche, froide, heurtée traduit la violence qui s'annonce et rend difficile le travail de mise en scène. Là où il aurait été simple de montrer un déséquilibré fasciné par la violence, là où on aurait imaginé un personnage agressant les spectateurs, Simon Delétang nous présente un jeune homme pour qui la violence est l'ultime issue. BOURREAUX ET VICTIMES
Le metteur en scène installe les spectateurs dans une salle de classe. Au “tableau“, comme assis sur un cahier ouvert, Sebastien peut commencer sa démonstration. Désespoir, haine, rage, folie ; en moins d'une heure, le bourreau fait la preuve qu'il n'est que le produit d'un monde qui, au mieux, ignore les “perdants“, au pire, les humilie et les détruit. Sous les traits du formidable Mathieu Besnier, qui livre une véritable performance d'acteur, l'adolescent nous est donné à voir dans toute sa fragilité, victime d'un monde qu'il n'a pas choisi et qui le rejette, coupable fabriqué par une haine qu'il rend au centuple. Faire naître l'empathie là où on attendait du jugement tient du coup de maître. Que dire de la “solution“ apportée par ce jeune homme ? Sans morale prédigérée à laquelle se raccrocher, le spectateur doit se débrouiller avec l'encombrant cadeau que lui fait cette pièce.


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