Le Réverbère sort ses réserves

La galerie photo Le Réverbère réunit six de ses artistes pour une exposition consacrée à des œuvres récentes, décalées ou rarement montrées. Simple et efficace. Jean-Emmanuel Denave


Au rez-de-chaussée du Réverbère règne un certain esprit de liberté et de simplicité. La Lyonnaise Arièle Bonzon nous accueille avec des vues de désert, dont un très bel arbre esseulé dépliant ses rameaux au-dessus d'une dune... Un peu plus loin, Lionel Fourneaux associe librement des dessins enfantins (griboullis, oiseaux, empreinte de main...) à des photographies. Un procédé déjà souvent utilisé mais qui, là encore, révèle tout son potentiel de décalage et de poésie. «Ces dialogues obéissent à une seule loi, celle de l'attraction personnelle, elles ne s'imposent donc à personne, mais peuvent toucher ceux qui n'ont pas oublié cette dimension du jeu et du plaisir propre aux premières années de la vie. La proximité de mes enfants, leurs sentiments mêlés au spectacle de la bizarrerie du monde m'aident à recouvrer cet état d'innocence, de fraîcheur – disons cela – et de rêverie volontiers naïve, mais verticale qui m'autorisent à fabriquer ces images métisses» écrit le photographe. À ses côtés, Jean-Claude Palisse poursuit son travail tourmenté sur le portrait et la représentation humaine, avec plusieurs figures féminines «collées» sur des fonds provenant d'autres images et en jouant de contrastes forcés.

Palimpsestes

Rip Hopkins présente lui-aussi des portraits féminins, fruits d'une résidence à Nemours et confirme, s'il en était encore besoin, son talent de metteur en scène et sa capacité à capter un regard, une fragilité, une fragrance érotique... Et Jacques Damez expose à la fois un film et un «patchwork» d'images réalisés au cours des différentes étapes du chantier de la Confluence. À l'étage de la galerie, l'expérimentation plastique et les jeux de formes s'intensifient. Deux artistes dialogues face-à-face, chacun cherchant dans l'image ce qui en constitue l'essence, c'est-à-dire paradoxalement la fragilité, le doute, l'évanescence, la démultiplication. Denis Roche en Egypte et le canadien Serge Clément à New York jouent de reflets, d'images dans l'image, de transparences, d'ombres portées, de mises en abyme... La photographie devient ici une sorte de palimpseste infini, perpétuellement en quête d'elle-même, simulacre indéfini... Et l'espace s'éclate en plusieurs dimensions : le devant et le derrière, l'avant et l'après, le sujet et son objet, le champ et son contre-champ venant se condenser en une seule surface, celle, incandescente, de la pulsion scopique.


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