Nouvelle (mini) vague

D'ores et déjà en lice pour les palmarès 2013, les Wave Machines ravalent avec "Pollen" la pop académique de leur premier album. Et en recrachent le miel vénéneux en mille fleurs electro. Stéphane Duchêne


En Angleterre, pop et coupe de cheveux sont toujours allées de pair. On pourrait d'ailleurs écrire une encyclopédie de la brit-pop à l'aune de son histoire capillaire, impeccablement peignée ou savamment coiffée-décoiffée, au bol comme les Beatles ou hirsute comme les punks, rasée à la oï ou à devantures méchées. Souvent même, il n'a guère fallu plus qu'un brushing pour se donner une identité musicale ou cultu(r)elle, que l'on soit mod à coupe de douille ou rocker à banane.

Est-ce de là que depuis quelques mois la pop anglaise nouvelle génération,  lassée des crêpages de chignons, semble ne s'intéresser au cheveu que pour mieux le couper en quatre ? De Breton à We Have Band en passant par Django Django, elle opte pour le déstructuré tous azimuts, quitte à dérouter le critique qui se fait des cheveux ou les perd. Wave Machines en est la dernière preuve, quatuor de Liverpool qui après un premier album plutôt bien peigné et efficace à l'avenant - Wave If You're Really There, qui car ne lésinait pas sur l'usage du tube, a décidé de "tout changer".

Méduse

Voilà donc Pollen, qui à force de butiner à droite à gauche, délaisse la raie au milieu. Comme leurs collègues précités, il s'agit d'essayer de voir ce à quoi on peut bien ressembler avec un semblant de postiche électro. Un part-pris peu évident mais qui se transforme en réussite absolue. Wave Machines gagne en profondeur ce qu'il perd en facilité, en épaisseur ce qu'il perd en séduction facile, en psychédélisme suave ce qu'il perd en immédiateté pop (encore que).

Opérant la plupart du temps sur les contre-temps d'un groove triste, dans un style qu'on qualifierait d'electro lo-fi s'il n'était aussi divinement produit, le groupe, que l'on ne s'y trompe pas, est encore capable de dégainer une ballade éclairée à la bougie (le sublime Pollen, sur le drame d'une poignée d'ouvriers chinois emportés par la marée lors d'un ramassage de coquillages à Morecambe Bay) ou de démettre quelque hanche (Ill Fit, comme du Prince outragé par Arcade Fire).

En fait, plus que son Angleterre natale, c'est l'Allemagne de The Notwist que rappelle ce bijou de délicatesse qui ne nous laisse pas toujours le choix de déterminer sur quel pied l'on danse : mélodies mélancoliques, batterie militaire mêlée de beats subtils, synthés enveloppants et voix tantôt haut perchées tantôt monocordes. De fait, écouter cet addictif et vénéneux Pollen, c'est comme s'enfouir dans la chevelure dorée de la gorgone Méduse et s'apercevoir trop tard que des serpents sifflent sur sa tête.

Wave Machines
À l'Epicerie Moderne, mardi 12 février


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