Voir l'invisible

Une nouvelle édition pertinente du festival À nous de voir à Oullins, où le cinéma scientifique est aussi passionnant sur son versant cinéma que sur son versant science. Christophe Chabert


Qu'on se le dise : À nous de voir est un des meilleurs festivals de cinéma de l'agglomération. Il n'a qu'un seul inconvénient : il tombe en même temps qu'un autre des meilleurs festivals de cinéma de l'agglomération, celui du film court de Villeurbanne. Même si les deux jouent la complémentarité, dur pour le spectateur de se dédoubler afin de suivre l'un et l'autre, et c'est souvent à rebours que l'on constate les trésors qui sont montrés à Oullins.

L'an dernier, par exemple, le festival présentait en compétition le très beau Le Bonheur… terre promise de Laurent Hasse, qui a depuis connu un joli voyage dans les salles hors des circuits de diffusion traditionnels. Pour cette 27e édition, À nous de voir reste donc fidèle à son credo, celui du film scientifique, appréhendé tant dans sa dimension cinématographique que par sa manière d'aborder des sujets relevant des sciences dures comme des sciences humaines ou sociales. Fidélité à sa formule aussi : les films donnent lieu à des débats avec des intervenants, que ce soient les réalisateurs ou des spécialistes des questions soulevées.

Un trip à travers l'espace et le temps

Il y a donc, dans ce programme riche, une compétition et des grands thèmes illustrés par des films de tous genres et de tous formats, longs et courts-métrages, tournés pour le grand ou le petit écran, majoritairement des documentaires mais aussi quelques fictions et même un beau programme de films expérimentaux psychédéliques, où sera projeté notamment le mythique Invocation of my demon brother, trip visuel ultime de Kenneth Anger.

Il y a donc des films déjà connus, et souvent remarquables : on citera notamment Boxing gym, où le maître Frederick Wiseman va filmer une salle de boxe à Austin, Texas ; Être là, docu de Régis Sauder qui donne la parole aux femmes travaillant dans les services médicaux de la prison des Baumettes ; ou encore le trop peu vu Bestiaire du franc-tireur québécois Denis Côté, qui réinvente le documentaire animalier — genre éculé par trop de sous-produits commerciaux — avec un vrai regard d'auteur.

Il y a aussi, et surtout, des découvertes à faire : on pense notamment au prometteur The End of time de Peter Rettler, dont l'ambition est rien moins que saisir la nature pourtant indicible du temps, auquel devrait faire écho un 52 minutes de Cécile Denjean, Le Mystère de la matière noire, produit par le CNRS et qui cherche, lui, à donner corps à cette «matière noire» incorporelle. Ce sont de vraies belles questions de cinéma — voir l'invisible, saisir l'insaisissable — et la preuve de l'exigence esthétique et scientifique d'À nous de voir.

À nous de voir
Au Théâtre de la Renaissance d'Oullins, du 21 novembre au 1er décembre


<< article précédent
Nicolas Lambert, super péquenot moyen