Emmené par le charismatique Arm, Psykick Lyrikah produit depuis plus de dix ans une musique affranchie et signifiante, où la combativité du hip hop le dispute à l'amertume du rock instrumental. Benjamin Mialot
Tout a commencé par une silhouette. Celle d'un narrateur shakespearien en jean et hoodie, dénombrant «mille bruits, certes sanglants, à enfouir sous mille quêtes de soi, quelques milles crimes» les yeux clos, le visage indistinguable et le corps immobile, à l'exception d'une main droite fendant la pénombre telle une lame. La pièce s'appelait Hamlet / Thème et variations, elle était l'œuvre du metteur en scène David Gauchard - oui, celui dont nous louons saison après saison le travail, fut-il une relecture multimédia d'un classique élisabéthain ou la reprise à l'os d'un drame russe plein de bruit et de fureur - et on y faisait la connaissance, médusé, de Arm, MC magnétique dont la diction de grand inquisiteur condamnait à la fadeur ses camarades de plateau.
De la même façon que la musique qu'il enregistre depuis cette époque, autrement dit depuis une bonne décennie, à la tête de l'entité Psykick Lyrikah, surclasse en tous points le reste de la production rapologique du pays. Avec laquelle elle ne partage pourtant rien d'autre que des racines goudronnées.
Son verbe, acide et introspectif, on le trouverait en effet plus sis à un discours de remerciement ponctuant la cérémonie de remise d'une médaille de Commandeur des arts et des lettres à un poète contemporain.
Son phrasé, heurté et vengeur, c'est sur les disques de Michel Cloup et Arnaud Michniak, les deux faces grimaçantes de la pièce oxydée Diabologum, qu'il ne déparerait pas.
Les compositions sur lesquelles il dit la fuite du temps et le déclin moral, sombres et accablantes, souvent le fruit véreux du facétieux beatmaker Robert le Magnifique et de l'intrépide guitariste Olivier Mellano (eux aussi des fidèles de Gauchard) et, de fait, à la croisée de l'electronica, de l'abstract hip hop et du post-rock, mériteraient elles de figurer au catalogue de labels du calibre de Ninja Tune, Warp ou Thrill Jockey.
Quant à ses albums, de l'avant-coureur Des lumières sous la pluie au récent Jamais trop tard, paru à l'automne dernier, en passant par le définitif Acte, bâti sur les seules arabesques et hachures de Mellano, Les Courants forts, collaboration long format avec Iris, son alter ego parisien, et la "bande originale" de Hamlet, leur place est dans toutes les discothèques dignes de ce nom.
Psykick Lyrikah [+X' + Zajazza]
Au Kafé, vendredi 7 février