Le Start Festival, ce n'est que le début

A peine ses trois petits tours (de Lyon, de France et du monde) estivaux terminés, le Sucre embraye sur la deuxième édition du Start Festival. Et reçoit pour l'occasion une belle brochette de bâtisseurs et un sonneur de cloche de rentrée tout trouvé. Benjamin Mialot


Premier temps fort de la saison, mais aussi premier paradoxe : alors que sa pyramide des âges est d'une largeur à faire se retourner Khéops dans son sarcophage, Le Sucre commencera par nous entretenir d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Une époque, qui s'étire des 70's aux 90's, au fil de laquelle Lyon s'est imposée dans une curieuse indifférence comme une plaque tournante des musiques alternatives. Le festival la fera revivre au cours d'une conférence, la première d'une série consacrée à l'underground d'ici, fut-il de pierre (comme le Palais d'hiver, l'Olympia du coin, ou le fameux Pez Ner) ou de chair (de la new wave unisexe de Marie et les garçons aux Deity Guns, cousins passagers de Sonic Youth).

Cinq jours plus tard, le coup d'envoi d'un autre cycle de rencontres mettra un terme à l'événement. Sa vocation : discuter des mutations de l'espace urbain. Son invité : le controversé Rudy Ricciotti, Grand prix national d'architecture auquel on doit, entre autres réalisations, le superbe cube alvéolé abritant le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille.

 

Vers l'infini, et au-delà

Le pendant musical du Start Festival opère le même jeu d'échelle. Côté local, la soirée du 4 honorera Nicolas Tardy, alias VophoniQ, qu'on avait laissé la tête dans les étoiles. Celles, primordiales, dont pulsait Cosmogonie (2012), vertigineux disque d'electronica introspective qui aurait mérité un accueil aussi enthousiaste que le Tohu Bohu de Rone. Et celles, immémoriales, qui guidèrent Tensing Norgay jusqu'au toit du monde le 29 mai 1953, et brillent depuis le printemps sur un bel EP mystique et venteux composé en hommage à ce sherpa oublié par l'histoire au profit de l'alpiniste Edmund Hillary. On le retrouve avec un étonnant Album, équivalent sonore du jeu vidéo Katamary Damacy – dans lequel une divinité agglutine des objets terrestres façon bousier pour les transformer en astres – en cela que des matières premières hétéroclites (Autechre, James Holden, Nathan Fake, Neu!, The Knife...) y sont le carburant d'une lumineuse odyssée pop et bruitiste.

Côté global, outre la reprise du rendez-vous berlinois "We Are Reality" sous la bannière couleur ciment de l'implacable label Ostgut Ton (avec Boris et Nick Höppfner), la bonne surprise vient de l'inauguration d'un focus sur la black music par un DJ set du (last) poète soul Anthony Joseph et, surtout, du retour de Pantha du Prince, un an et demi après la sublime cérémonie donnée avec le Bell Laboratory à Nuits Sonores. Cette fois, les seuls cloches à sa disposition seront celles qui résonnent sur ses productions, chefs-d'œuvre de techno miniature dont la quiétude n'a d'égale que l'élégance mélodique avec laquelle ils sondent les mystères constitutifs de l'univers (la lumière, le silence). Dans ces espaces, personne ne vous entendra jubiler.

 

Start Festival
Au Sucre, du mercredi 3 au lundi 8 septembre


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