Un Don Juan embrumé


En mêlant les textes de Byron, Molière et d'autres pour dessiner sa figure de Don Juan, David Mambouch a aussi esquissé le portrait d'un homme d'aujourd'hui et le besoin de la société de se trouver, comme il le dit en ouverture, «un héros singulier» qui se détacherait de la masse à l'heure des bavardages.

Problème, le metteur en scène semble avoir oublié qu'il y a en face des spectateurs qui, s'ils reconnaîtront quelques tirades célébrissimes étonnement revisitées («2 et 2 font 4, 4 et 4 font chier»),  n'ont pas nécessairement digéré toute cette littérature. Découpé en séquences certes impeccablement travaillées mais trop disjointes et étirées,  le propos devient vite difficilement compréhensible et jamais le texte,  dans son continuum, ne se fait vraiment entendre, au sens propre comme au figuré.

Là où, en revanche, cette pièce épate, c'est par la présence espiègle de certains de ses interprètes (Antoine Besson est constamment formidable) et la maîtrise de la machinerie théâtrale qu'elle dégage. Nappée de brouillard et de neige, plongée dans la pénombre et éclaboussée de meurtres rouges sang, la scène est une somptueuse cage de résonance de ce qui ressemble à l'Angleterre du XIXe siècle. Même lorsque les prétendantes de Juan se crêpent le chignon, c'est à coup de farine, accentuant encore cette atmosphère diaphane (imaginée par le scénographe Benjamin Lebreton), tandis que des petites poupées de papier incarnent parfaitement la condition de la femme-objet.

Malheureusement, ce somptueux décor et ces louables intentions vis-à-vis du genre féminin ne suffisent pas à effacer le sentiment de langueur.

Nadja Pobel

Juan
Au TNP jusqu'au samedi 8 mars


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D'un B qui veut dire Bory