Queer, festif, décalé, militant : Écrans Mixtes, le festival LGBT fête ses cinq ans avec à son frontispice ses adjectifs-là ; en 2015, il paraît plus que jamais au cœur des questions contemporaines, et pas seulement celles directement liées à l'homosexualité. Ainsi, l'invitation faite au cinéaste grec Panos H. Koutras n'est pas le moindre des symboles — même si sa venue a été annoncée avant la victoire de Syriza aux dernières élections. Koutras a bâti en quatre films une œuvre qui balance entre réalisme et fantaisie, tradition et modernité : de ce faux film Z qu'était L'Attaque de la moussaka géante au road-movie Xenia, Odyssée d'aujourd'hui à travers une Grèce dévorée par la crise et la violence, le cinéaste se plaît à empoigner les mythes, les sujets et les genres pour les passer au prisme d'une modernité queer.
Écrans mixtes propose l'intégrale de ses films — dont l'inédit Real Life, tourné en 2004 — et lui a laissé carte blanche. Il a donc choisi deux films : le classique Stella, femme libre de Michael Cacoyannis — auquel son propre Strella rendait hommage — qu'il présentera à l'Institut Lumière le même soir que Xenia, le jeudi 5 mars, et Johann, mon été 75 de Philippe Vallois, décrit comme «le premier film gay français».
Hormis cet événement, Écrans Mixtes propose un panorama du cinéma LGBT récent avec force inédits et avant-premières. La place manque pour parler de tout, on insistera donc sur deux très bons films : d'abord Love is Strange d'Ira Sachs — dimanche 8 mars à 18h30 au Comœdia. Inédit car victime de la pénurie actuelle d'écrans art et essai à Lyon intra-muros, ce superbe mélodrame ténu et pudique où deux sexagénaires new-yorkais se marient avant d'être rappelés, par la violence des rapports sociaux et économiques, à leur double minorité — seniors et gays — bouleverse sans forcer le pathos, par la force d'un regard toujours juste sur ses personnages — et ses acteurs : John Lithgow et Alfred Molina.
Ensuite, Stand de Jonathan Taïeb — samedi 7 mars à 19h30 au Comœdia en sa présence — film français indépendant tourné à la sauvage en Ukraine pour raconter la montée des crimes homophobes en Russie. Raconter, et pas seulement dénoncer : de sa narration à twists jusqu'à ses partis pris de mise en scène audacieux — au cœur du film, un spectaculaire plan-séquence à suspense où l'on passe sans coupe d'une vision objective à une vision subjective de l'action — Taïeb fait du vrai cinéma, intelligent, immersif et engagé, pour un des musts de cette édition.
Écrans mixtes
Du 4 au 10 mars
www.festival-em.org