Celui qu'on attendait

de Serge Avédikian (Fr/Arm, 1h35) avec Patrick Chesnais, Arsinée Khanjian, Robert Harutyunyan…


Parler de l'Arménie d'aujourd'hui sans négliger celle d'hier, en évitant le piège du folklore touristique ; sans brandir l'antagonisme avec la Turquie (pour une fois, c'est l'Azerbaïdjan qui est cité)… Serge Avédikian a réussi son coup avec cette comédie davantage centrée sur la question des différences de cultures menant aux convergences humaines que sur le gag communautaire.

Le cinéaste a l'habitude d'abolir les frontières, y compris stylistiques. Et volontiers recours à l'essai ou à l'animation — Chienne d'histoire lui a d'ailleurs valu la Palme d'Or du court-métrage en 2010 — pour donner à ses réalisations une aura de parabole, de conte universel.

Celui qu'on attendait contient d'ailleurs une séquence qui prolonge cette idée du surgissement d'un élément extérieur venant soudainement bousculer un système homogène, pour mieux l'enrichir de ses différences : lorsque l'image emprunte brusquement certains codes graphiques de la bande dessinée — le défilement des cases, les aplats de couleurs uniformes ou les emanata (ces petits traits et étoiles vibrants symbolisant le bruit, le mouvement). Cette rupture visuelle accentue le caractère “tintinesque” des aventures de son héros, dans le temps qu'elle atténue la brutalité des événements racontés. Et prouve une fois encore l'intérêt de l'hybridation.


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