"The Neon Demon" : l'objet du désir

Retour en grâce pour NRW — c'est ainsi qu'il sigle son nom au générique — avec un conte initiatique : celui d'une gamine partant à la conquête du monde de la mode. Le récit d'une ambition dévorante et dévorée, à la superbe… superbe.


Comme une promesse, ou une métaphore de cette foire aux vanités qu'est l'industrie de la mode, la première séquence de The Neon Demon offre un condensé glaçant de sang, de flashes et de voyeurisme. Mais on aurait tort de se fier à ce que l'on a sous les yeux : derrière la splendeur et la perfection sans défaut de l'image ; derrière les surfaces lisses et les miroirs, tout est factice. La beauté pure n'existe pas, et lorsqu'elle surgit sous les traits de Jesse, elle est perçue comme une anomalie, une monstruosité dans cet empire des apparences et de l'illusion. Un élément discordant qui va se corrompre en pervertissant son entourage — la pomme cause-t-elle le ver, ou bien le ver détruit-il la pomme ; toujours est-il que la réunion des deux gâte l'ensemble.

Talent haut

Aux antipodes de la superficialité clinquante de l'ère des supermodels, et de sa foule de mondains papillonnant dans la lumière, déjà croquée par Altman dans Prêt-à-porter (1994), Refn signe une œuvre nocturne, intérieure et solitaire. Lorsqu'il filme Jesse en train de défiler, il capte l'accomplissement d'une transfiguration — la jeune femme prenant progressivement conscience de son image, donc de son pouvoir d'attraction, y compris sur elle-même.

Film sur des vampires se nourrissant symboliquement de la beauté (créateurs de mode, photographes, consommateurs de papier glacé…) The Neon Demon est en soi un film-vampire puisque l'esthétique ultra léchée de Refn depuis Drive semble épouser, refléter et se nourrir des couleurs saturées ou contrastées prodiguées par la publicité. Sa palette vise à érotiser l'image, à faire de chaque photogramme un objet composé achevé — et surtout un objet de désir. Difficile de ne pas succomber à sa venimeuse séduction.

The Neon Demon de Nicolas Winding Refn (É-U, 1h57) avec Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote…


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