Le Fils de Jean

Philippe Lioret renoue ici avec le drame sensible en milieu familial qui lui avait fait signer sa plus grande réussite, Je vais bien ne t'en fais pas. Une heureuse décision, soutenue par une paire d'acteurs qu'il ferait bien d'adopter : Pierre Deladonchamps et Gabriel Arcand.


Dire que Lioret s'offre une manière de résurrection avec ce film où un fils part à la rencontre du fantôme de son père naturel, ne manque pas de sel. Le réalisateur a surtout clos une parenthèse engagée ouverte par Welcome et devenue franchement boiteuse avec Toutes nos envies, l'adaptation démembrée du récit d'Emmanuel Carrère.

Quittant la chronique de la misère sociale et le mélo-chimio, il a isolé dans un roman de Jean-Paul Dubois une graine que son inspiration a su faire joliment germer. L'histoire d'un secret de naissance qu'il a eu la décence d'aborder avec tact, plutôt qu'en visant l'œil de cette pleurnicharde de Margot. Dans Le Fils de Jean en effet, il place ses personnage à la lisière des émotions et des mots superflus, confiant aux gestes et aux regards le soin d'exprimer les non-dits. Le parfait contrepied de son film précédent.

Pierre précieux

Un parti-pris pudique, bien plus efficace pour créer de la proximité entre le spectateur et ce “fils de Jean”, que son caractère mesuré et sa douceur obstinée achèvent de rendre sympathique. D'autant que le cinéma français s'est accommodé depuis trop longtemps de scénarios fonctionnant par sursauts hystériques (affrontements violents, tensions systématiques…) ; alors, découvrir un personnage dont la quête intime et essentielle se résout sans heurt, ni guimauve non plus, aurait presque de quoi désarçonner.

Ce miracle de sensibilité et d'équilibre s'opère grâce au jeu de Pierre Deladonchamps qui s'essaie ici à un registre différent — et avec quelle réussite ! — composant avec le Québécois Gabriel Arcand un duo évident d'exactitude et d'humanité. On se prend à espérer que Lioret fasse de Deladonchamps, après Lindon (et surtout Gamblin jadis) son nouvel interprète de prédilection : quand on parvient à une telle osmose, on n'a pas le droit d'y renoncer.

Le Fils de Jean de Philippe Lioret (Fr, 1h38) avec Pierre Deladonchamps, Gabriel Arcand, Catherine de Léan…


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