Beaucoup de promesses sur les scènes

Quelques grands noms du panthéon théâtral et de nombreux trentenaires au talent cru : voilà de quoi remplir la deuxième moitié de saison qui, espérons-le, sera plus nourrissante que la première.


Étrange début de saison où les seules vraies émotions ont émané du solo de Vincent Dedienne, de deux des trois Fugues par le Ballet de l'Opéra, de la petite forme Udo de La Cordonnerie, du best of des Subs ou de La Cuisine d'Elvis à la Comédie de Saint-Étienne ; justement, son directeur Arnaud Meunier viendra bientôt avec son spectacle pour enfants Truckstop au TNG puis Je crois en un seul Dieu aux Célestins, où il retrouvera Stefano Massini après Chapitres de la chute.

La Meute est de retour

L'attaque en trombe de 2017, confiée à La Meute, devrait faire mentir cet automne morose : avec La Famille royale dès le 4 janvier au Toboggan (dont la directrice Sandrine Mini est poussée vers la sortie par sa municipalité) déjà, et dans la foulée aux Célestins qui ont l'intelligence de leur faire de nouveau confiance. Après Belgrade, la jeune troupe adapte le roman sulfureux et vigoureusement moderne de William T. Vollmann.

C'est ce même théâtre municipal qui affiche Louise Vignaud, tout récemment nommée directrice des Clochards Célestes (avec Tailleur pour dame), les déjà beaucoup-vus-mais-jamais-à-Lyon Réparer les vivants (forcément mieux que le film insipide), Nobody et les internationaux Simon Stone (Rocco et ses frères) et Ivo Van Hove, avec Vu du pont.

Moriarty, Balasko & co.

Autre lieu phare de cette suite de saison : la Croix-Rousse qui accueille le très rock Vanishing point de Marc Lainé et Moriarty, les québécois du NoShow qui intègrent le smartphone à la scène, le Werther déglingué du très rare par ici Nicolas Stemann et la première incursion de Josiane Balasko sur le terrain du drame dans La Femme rompue de Simone de Beauvoir et qui, à en croire les échos des Bouffes du Nord, a réussi sa mission.

Le TNG attaque lui aussi en fanfare avec ce bijou de théâtre immersif de vingt ans d'âge, Buchettino (lire en page 15), soit un appel à entrer dans un dortoir pour écouter une histoire, avant de se pencher sur les récits d'aujourd'hui avec le délicat Ce qui nous regarde et la question du voile par Myriam Marzouki ou la création de Joris Mathieu, Artefact qu interroge notre rapport aux objets.

De la violence des riches

Autres petites perles à dégotter ça et là : Place des héros au TNP avec une troupe lituanienne emmenée par le maître polonais Krystian Lupa qui revient, grâce au texte de Thomas Bernhard, sur ce jour de 1938 où Hitler fut acclamé après l'Anschluss. Les artistes se souviennent autant qu'ils imprègnent leur travail de ce qui fait la cruauté de notre époque, qui pourrait bien s'assombrir en quatre week-ends électoraux. Alors, sans tomber dans le "théâtre qui dénonce", les Pinçon-Charlot sont conviés au Théâtre de l'Élysée avec la farce La Violence des riches via Guillaume Bailliart (qui, par ailleurs, présente son épopée de Merlin), et Ferdinand Brückner est rappelé pour une Maladie de la jeunesse prometteuse à la Renaissance.

Aux Nuits de Fourvière, Les Chiens de Navarre

Gwenaël Morin achèvera son mandat avec les classiques, avec Andromaque pour commencer, et Les Chiens de Navarre, pertinents quand ils ne se caricaturent pas, signeront leur prochaine création aux Nuits de Fourvière sur la scène de l'Odéon. Enfin, puisque la Métropole n'est pas tout, le théâtre de Villefranche nous offre le seul passage de Thomas Ostermeier dans nos contrées pour sa dernière création en date, la deuxième en langue française, avec sa somptueuse Mouette secouée par la Syrie et Bowie, lui qui règne sur Berlin et la Schaubühne à quelques encablures à peine de cette église du souvenir visée par les terroristes la veille de Noël. Sur toutes ces terres souillées, pousse encore un théâtre d'une vitalité nécessaire et galvanisante. C'est heureux.


<< article précédent
Insomniaque