Le grand cirque des amants

Transformant les Capulet en forains ambulants, Juliette Rizoud livre une version saltimbanque de Roméo et Juliette, vive quoique sans émotion.


Au train où va le texte (2h30 sans instant pour souffler, contre 3h20 dans la récente version d'Olivier Py par exemple) dans cette adaptation du classique des classiques par ailleurs peu monté, il n'y a pas vraiment de place pour faire émerger l'émotion ; notamment dans un dernier acte longuet et fatalement sans surprise, tant il constitue la partie la plus connue de cette histoire éternelle. Le rythme échevelé ne peut contrer l'impression de langueur qui règne sur la mort des amants.

Tout au long des actes précédents, Juliette Rizoud semble plus à son aise pour insuffler à son travail une vitalité d'autant plus prégnante qu'elle ne l'enferme dans aucune temporalité. Ses héros ne sont pas coincés dans l'époque élisabéthaine ni dans une contemporanéité trop affirmée – ce pourrait être intéressant d'en faire des personnages très actuels. Non, la jeune metteuse en scène, qui poursuit ici son cycle entamé avec Le Songe d'une Nuit d'été et la troupe de la Bande à Mandrin constituée avec ses camarades acteurs de la troupe du TNP, emprunte ses références au new burlesque, aux cabarets plus ou moins freaks du XIXe ou encore des années 30.

Les arènes de Vérone

Le spectacle des Capulet se donne dans leur roulotte ambulante, un circus posé devant une arène dont les bancs seront démontés, transformés en mur, en arcs signifiant une porte, la carriole faisant office de célébrissime balcon. C'est de là que vient l'intérêt de cette proposition : être ingénieuse sans faire étalage des astuces. Tout est à vue, sans que jamais cela ne parasite ce qui se passe sur le plateau central.

Les comédiens, abusant des hakas et autres ralentis confèrent à leur rôle une vraie jovialité en dépit de la guerre des clans ; le verbe cru de Shakespeare est restitué, notamment via la nourrice de l'héroïne (Yves Bressiant) qui incarne aussi toutes les nuances du genre. Juliette Rizoud, comédienne (Juliette ici, la fantastique Jeanne de Delteil aussi) et traductrice a su trouver une langue moderne tout en étant fidèle à la verve du dramaturge, n'hésitant pas à transformer Roméo en « raclure » dans la bouche de Tybalt.

De ces faits et, en reprenant à son compte le titre originel et long de la pièce, elle confère à cette soi-disant tragédie son indéniable aspect divertissant.

La très excellente et lamentable tragédie de Roméo et Juliette
Au TNP jusqu'au dimanche 22 janvier


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