Des vagues au Toboggan

Arrivée de Victor Bosch, déprogrammation de certains spectacles de fin de saison... la ville de Décines n'en finit pas de secouer le Toboggan après avoir déjà fait le vide dans la masse salariale et s'être séparée de sa directrice, Sandrine Mini. Le point sur la situation.


Ce pourrait être un épilogue apaisant. Mais il n'en est rien pour l'instant. Victor Bosch arrive au Toboggan comme directeur artistique, réclamé par la municipalité de Décines via l'adjoint à la culture Denis Djorkaeff afin, selon ce dernier, de « faire une programmation en un temps record. »

Son type de contrat n'est pas encore connu, mais il devrait être là dans la durée et a été présenté à l'équipe la semaine dernière. Depuis un an, tout converge pour que Sandrine Mini, directrice depuis 2014 (en poste jusqu'au 30 avril) parte : réduction du budget de 27% par la ville (- 220 000€, voté le 2 février 2016), plan de restructuration drastique, débarquement de deux cadres (sur six) et une ambiance pour le moins intenable, selon les personnes concernées.

En découle une inquiétude quant au devenir de cette salle âgée de vingt ans, qu'un collectif des amis du Toboggan a décidé de soutenir par une pétition ayant recueilli plus de 2500 signatures au printemps dernier. Le procès en incompétence fait à Sandrine Mini, limogée en décembre (sur une question de contrat supposé illégal) dernier a fait flop : elle vient d'être nommée à la tête d'une structure hiérarchiquement supérieure dans les échelons du ministère de la Culture, la Scène nationale de Sète.

L'homme providentiel ?

Pendant ce temps-là, au Toboggan, des spectacles sont annulés en cours de saison. Les artistes ont été prévenus en mars, par lettre recommandée signée Denis Djorkaeff, qui nous confirme s'adapter à une réalité économique : « il n'y avait que 38 réservations pour certains spectacles. » Mais la communication n'avait pas encore été enclenchée pour tous, et certaines jauges étaient de seulement cent places.

Exit donc la journée consacrée à l'émergence (Décines-moi la nuit) le 18 mars dernier, avec l'excellent Pas de Bême, remarqué à Avignon et annoncé par nos soins : il n'y a pas eu communication autour de ces annulations. À la benne aussi Never mind the future, hommage aux Sex Pistols prévu le 28 mars et Subliminal de Arcosm le 27 avril.

Thomas Guerry, le chorégraphe de la précieuse compagnie Arcosm, n'a « jamais vu ça. On nous invoque le faible remplissage. Or on a une grande histoire avec le Toboggan, à l'époque de Jean-Paul Bouvet déjà (NdlR, directeur de la salle de son ouverture jusqu'à 2014), on a fait des interventions pédagogiques, on a été présent sur le terrain, ce n'est pas comme si on venait de nulle part. On a joué huit pièces là-bas, dont une série de cinq. On n'a jamais eu de problème de jauge jusque-là. »

Sidéré, il poursuit : « comment peut-on d'un coup se permettre de dire à toute une équipe que c'est fini et les rayer ? C'est incompréhensible. On ne va pas se laisser faire, même si on sait très bien qu'on aura rien en retour. » Car comme dans beaucoup de théâtres, le contrat ne devait être signé qu'un mois avant la représentation.

Alex Potocki, membre du conseil d'administration, représentant des habitants, rappelle que de toute façon, même avec des stars qui remplissent la salle comme François Morel récemment, « nous sommes déficitaires car cette salle ne pratique pas des tarifs prohibitifs qui pourraient exclure des Décinois ou les habitants de l'est lyonnais. »

Comment Victor Bosch va-t-il pouvoir réussir la quadrature du cercle avec un budget dont Denis Djorkaeff nous dit qu'il ne sera pas augmenté ? Certes, l'ancien directeur du Transbordeur va faire bénéficier le Toboggan du réseau qu'il déploie déjà au Radiant-Bellevue, qu'il gère depuis sa rénovation en 2013. La danse contemporaine sera-t-elle encore de la partie, comme le prévoit le label du Toboggan qui, comme une trentaine d'autres salles en France est une "scène conventionnée danse" et reçoit à ce titre une subvention de la DRAC (85 000€ annuels) ? Les missions d'éducation artistique, censées être maintenues, pourront-elles être menées par un homme par ailleurs très occupé ?

Éléments de réponses mi-juin, quand Victor Bosch présentera cette saison que M. Djorkaeff qualifie déjà « de transition ». Les Décinois et les métropolitains sauront alors si cette salle compte garder son niveau d'exigence et d'accessibilité.


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